Anaïs : Comprendre son hypersensibilité pour en faire une force

Et si l’hypersensibilité pouvait réellement devenir une force en acceptant de laisser plus de place à ses intuitions ainsi qu’à ses prédispositions naturelles ? C’est le constat que fait Anaïs lorsqu’elle met un mot sur son hypersensibilité. Dans cette interview, elle nous explique pourquoi elle a décidé de devenir entrepreneur après ses débuts dans le monde du salariat et donne de précieux conseils pour comprendre son hypersensibilité.


Bonjour Anaïs, raconte-nous ton parcours en toute transparence !

J’ai un parcours qui peut paraître assez classique si on s’arrête aux apparences. Il est rare d’avoir le temps d’expliquer la complexité du cheminement qui m’a poussé à exercer dans un domaine différent de celui de mes études. Alors, je prends la plume pour expliquer les doutes qui m’ont traversés et aider d’autres personnes dans la même situation !

Les années lycée furent un tiraillement entre vraies aspirations et parcours classique.

Pour bien expliquer mon parcours, il faut retourner rapidement aux années de lycée. J’ai le souvenir d’avoir toujours été une personne studieuse, mais sans rêver d’exercer un métier identifié. Je me suis toujours dit que j’aurai le temps de trouver ma voie une fois en études supérieures. J’étais une élève assidue, le type de profil qui avance sans trop de difficultés et qui se pose par conséquent peu de questions.

En dehors du cadre scolaire, je m’intéresse très tôt (dès 2007 ou 2008 !) à des personnalités que je découvre en lisant des blogs, notamment de mode. Ces personnes exercent plusieurs métiers à eux tous seuls : tantôt journalistes, tantôt photographes, surtout créatifs et autodidactes… En somme des personnes touche à tout, libres et ultra créatives, qui me fascinaient réellement. On leur a depuis donné un nom : des « slasheurs », ou plus simplement des entrepreneurs.

Surtout qu’autour de moi, les personnes de référence ont des métiers plus classiques. Au lycée on nous présente surtout des voies traditionnelles et de ce fait, être indépendant ou entrepreneur n’était tout simplement pas une option.

Quelle a été ton orientation ensuite ?

Le moment difficile du choix des études supérieures… 
Au moment de faire ce fameux choix des études supérieures, je m’oriente vers le Droit, sans avoir de métier particulier en tête.

Je ne cesse de me répéter que j’aurai le temps de trouver le métier qui m’attire vraiment parmi le panel qu’offre le Droit! (rires). Car je m’engage à minima dans un cursus de 5 ans d’études, voir plus si affinité.  Me voilà entourée de personnes qui rêvent de devenir avocats, juges, notaires ou juristes qui connaissent, quasiment dès les premiers instants, chacune des étapes à suivre pour arriver au métier de leurs rêves.

De mon coté, je n’en ai pas le moindre idée. Au contraire, plus les années passent, plus je réalise que je ne sais toujours pas vers quoi m’orienter. Je trouve les études stimulantes, mais les métiers classiques du Droit ne m’attirent pas. Après ces quelques années universitaires validées, je me sens rapidement bloqué, sans la moindre idée de ce que je pourrai faire d’autre…

Mon premier stage a été le premier véritable électrochoc.

Une fois arrivée en Master 2, lors de ma cinquième et dernière année, je suis prise en stage dans un grand cabinet d’avocat anglo-saxon à Paris. Or, j’y réalise très vite que je ne suis pas du tout faite pour cet environnement.

A posteriori, j’ai vécu ces six mois de stage comme un vrai électrochoc :

  • je me rends compte que je n’arrive pas à exprimer qui je suis vraiment,
  • je réalise que les qualités requises pour ces métiers ne correspondent pas du tout à mes atouts,
  • ni la manière de travailler ni le rythme ne répondent pas à mes aspirations.

Je commence également à sentir une forte gêne, à cet instant là, j’associe cette sensation au fait que je me suis peut-être trompée de voie. Il me faudra plusieurs années avant de parvenir à mettre un mot dessus.

Tu as donc fait un passage éclair en école de commerce, peux-tu nous en dire plus ?

Face à ce constat, je décide de m’ouvrir des portes en effectuant un an au sein d’une école de commerce parisienne, avec cette ambition de renouer avec ces parcours d’entrepreneurs autodidactes, qui ne m’ont jamais quittés. J’adore cette année en école, car je rencontre enfin des parcours qui me ressemblent : des gens qui se cherchent encore et qui ont des affinités avec l’entrepreneuriat. Cependant si cette année semble me rapprocher d’avantage de mon univers, je peine toujours à trouver le bon métier ou le secteur qui m’attire.

Suite à mon stage de fin de cursus, je prends donc le parti d’aller travailler deux ans à l’étranger, car l’environnement y est parfois plus flexible et ouvert.

Cette expérience internationale a été un tremplin précieux pour apprendre à mieux te connaître, tu nous racontes ?

A postériori, ces deux années m’ont énormément aidée sur le plan personnel et ont joué le rôle d’un accélérateur de particules.

Partir seule à Hong Kong m’a fait gagner du temps. J’ai travaillé dans deux entreprises différentes, au sein d’univers plus créatifs, en tant que Chef de projet digital. Ces expériences confortent mon attrait pour des environnements plus créatifs, innovants, et dynamiques, auprès de personnes qui me ressemblent d’avantage.

Dans le fond, je vis cette aventure à l’étranger comme une forme de pré aventure entrepreneuriale. Arrivée seule dans un pays où je ne connais personne, je dois appréhender une culture totalement différente et m’adapter à un environnement nouveau. À l’étranger, des petites choses du quotidien peuvent se révéler être des défis, c’est ce que j’apprends pendant deux ans à apprécier.

Pour autant, je ressens encore cette fameuse gêne, identifiée au moment de mon premier stage, dans le cadre du travail. Une sensation diffuse que je n’arrive pas à nommer, une forme de sensibilité accrue à laquelle s’ajoute parfois insomnies, difficultés à me sentir pleinement à ma place et plus globalement un manque de sens dans mes missions quotidiennes. J’en viens à me remettre en question, alors qu’après 6 ans d’études, je ne pense ni être flemmarde, ni désinvolte … (rires) !

A mes yeux cela devient de plus en plus préoccupant, car quel que soit le métier ou l’entreprise dans laquelle je travaille, je me sens inexplicablement différente de ceux qui m’entourent.

Conseillerais-tu à une personne qui a du mal à trouver sa voie de partir à l’étranger ?

Sans hésiter, un grand oui, (à l’heure ou je rédige ce texte, le Covid n’existait bien entendu pas encore) que ce soit pour faire une pause ou travailler !

L’expérience à l’étranger m’a permis de mieux connaître mes vraies forces et faiblesses, de sortir de ma zone de confort, mais également de prendre du recul sur des idées que je pensais universelles. Pour autant, je n’ai pas vécu que des bons moments, on se sent parfois seul, et les petits défis quotidiens peuvent être très fatigants. Il est évidemment difficile, aussi, d’être éloignée de ses proches.

Mais partir n’implique pas nécessairement un départ à l’autre bout du monde, il suffit parfois de changer de cadre, de ville, ou de région dans son propre pays.

Comment as-tu vécu le retour en France et vers quoi décides-tu alors de t’orienter ?

Se réadapter a été beaucoup plus difficile que je ne l’avais imaginé. Si je n’ai pas l’impression d’être partie longtemps, dans les faits, deux ans se sont écoulés depuis mon départ. Je mettrai environ six mois à retrouver complètement mes marques, alors que l’idée de l’entrepreneuriat grandit de plus en plus en moi.

Néanmoins, les « réalités » s’imposent aussi à moi et je ressens le besoin de trouver un CDI, probablement plus par peur que par véritable envie. Peur de manquer d’argent, certes mais aussi de reprendre un risque après avoir vécu deux années ailleurs, peur d’échouer… beaucoup de peurs. D’autant plus qu’à son retour en France, il n’y a pas de droit au chômage.

En quoi ta dernière expérience – plus courte que prévu – a été la dernière étape pour mieux te comprendre et enfin te lancer ?

Quelques mois après mon retour, je décroche un job qui semble bien me convenir : créatif, innovant, dynamique avec des personnes de mon âge, dans une belle entreprise. Mais à nouveau, dès les premiers instants, ces mêmes sentiments qui resurgissent : sensation de ne pas vraiment être à ma place, sensibilité trop grande, insomnies, difficultés à trouver du sens, ou manque de concentration.

Et là, c’est le second électrochoc de ma vie, après toutes ces années d’interrogation et d’incompréhension, je mets enfin un mot sur ce que je ressens réellement : l’hypersensibilité.

Peux-tu mieux nous expliquer ce qu’est l’hypersensibilité ?

L’hypersensibilité correspond au fait de ressentir plus fortement certaines émotions ou sensations que les autres. Pour moi le monde du travail a clairement amplifié ce trait, car en dehors de cet environnement, cela ne m’avait jamais dérangé.

L’hypersensibilité recouvre ainsi des traits de caractère prédominants par rapports a d’autres : l’intuition, la créativité, le sens du détail, la curiosité, et un fort besoin de liberté. Mais contrairement à la pensée générale, hypersensibilité ne veut pas dire passer son temps à pleurer ou à se plaindre, bien au contraire.

Aujourd’hui l’hypersensibilité commence à être connue, il y aurait 20% de personnes avec ces traits dans le monde et il y a désormais de nombreux articles, témoignages ou podcasts à disposition. Pour autant, avant de le comprendre totalement, je n’en avais jamais entendu en parler ! Face à ce que je ressentais, je n’étais évidemment pas restée les bras croisés, et j’avais consulté divers professionnels.

En quoi la compréhension de ton hypersensibilité t’a aidée à avancer ?

Le fait de mettre un mot sur mon ressenti m’a permis de m’éduquer à ce sujet. Tout à coup tout a fait sens, comme si les pièces du puzzle s’emboitaient enfin. Cela a a été un énorme soulagement de lire des articles à ce sujet, d’écouter des témoignages et d’échanger à ce sujet. Je me suis reconnue dans beaucoup de parcours différents, plus « atypiques ». Mais surtout cela m’a aidé à ne plus voir l’hypersensibilité comme un problème, mais comme un véritable atout à valoriser.

J’ai donc décidé de prendre du recul et d’arrêter de me forcer à rentrer dans cette norme, celle du CDI « à tout prix », pour me poser les bonnes questions : pourquoi continuer à m’imposer à suivre un cadre, pour lequel je savais, au fond de de moi, que je n’étais pas faite ?

Surtout que cette année 2020, marquée par la crise sanitaire et par les confinements successifs, a été pour moi une opportunité forcée pour réfléchir au monde dans lequel nous avançons.

Cela peut donc paraître fluide pour d’autres mais pour moi, il a vraiment fallu que j’aille me confronter à ces intuitions que j’avais toujours ressenties, pour objectivement constater que celles-ci était les bonnes. Mais c’est aussi à travers ces expériences que j’ai pris conscience du pouvoir de l’intuition et décidé de laisser toute sa place à la mienne, telle une boussole. Moi, qui d’ordinaire me fiait beaucoup à la mienne, la mettait de coté au sein du monde professionnel, pour laisser place uniquement à la raison. Aujourd’hui, grâce au travail de recherche que j’ai effectué sur l’hypersensibilité, plus aucune décision n’échappe a mon intuition, et ce dans ma vie quotidienne comme dans mon travail. J’ai appris à considérer qu’il s’agissait d’un véritable atout.

Aujourd’hui comment trouves-tu du sens à travers ton projet de création de marque ?

Aujourd’hui je suis en création d’une marque responsable de mode pour femmes, qui s’appelle Osâme. Toutes ces différentes expériences passées font enfin sens et j’ai fait de mon côté « couteau suisse » un véritable atout : juridique, commercial, gestion, digital… Ma nature de slasheuse se retrouve enfin pleinement épanouie.

Je travaille sur ce projet depuis plus de 8 mois et je sens qu’après tant d’hésitations, de questionnements, j’ai trouvé mon métier : l’entrepreneuriat.

Le nom Osâme vient du verbe oser (« nous osâmes ») et au-delà de proposer d’élégantes blouses / chemisiers pour femmes Made in France, la marque vise à rappeler aux femmes d’oser être libres à leur façon, d’oser être elles-mêmes, et d’oser s’affirmer.

Le lancement est prévu en début d’année prochaine et je prends énormément de plaisir à travailler sur un projet qui fait pleinement sens pour moi.

Que conseillerais-tu à quelqu’un qui souhaite se lancer mais n’a pas encore osé franchir le pas ? 

De se faire aider dès le début, par exemple j’ai eu la chance d’être soutenue par des organismes comme l’APEC, l’ADIE ou encore la Chambre de Commerce qui proposent des formations et des conseillers pour aider les entrepreneurs à structurer leurs projets et à les financer. Je précise que les programmes sont gratuits pour la plupart.

Je pense que mon parcours est un exemple parfait que toute personne doute énormément avant de se lancer ! (Rires). Mes conseils s’adressent surtout à une personne qui se sent un peu en décalage dans son job, ou ont le sentiment d’être hypersensible.

Entre mon premier électrochoc et mon deuxième il s’est écoulé exactement 5 années. 5 années à me demander quoi faire, à hésiter, à tester, a me questionner, à m’adapter et me réadapter encore, à recommencer. Tellement de doutes !

Que conseilles-tu à quelqu’un qui pense être hypersensible, sans en être certain.e ?

Prenez votre temps pour vous comprendre

D’abord, je dirai de prendre du temps de bien se renseigner. Grâce a internet on peut accéder à des sites et articles pour lire des témoignages, se renseigner et vraiment accepter le fait d’être de nature hypersensible. Sans ouvrir les yeux et envisager ce changement de paradigme, n’importe qui continuerait à assimiler cette sensation à un problème. Il faut prendre le temps de comprendre son hypersensibilité, c’est essentiel.

Apprenez à connaitre vos propres valeurs

Ayez une connaissance de votre système de valeurs. Cela consiste à se demander « Quelles sont mes priorités ? La liberté ? La rémunération ? La reconnaissance ? Le sens ? ». Et d’admettre que ces valeurs peuvent aussi varier d’un stade à l’autre de sa vie.

Fiez-vous à vos propres intuitions et aspirations

Ensuite, je conseillerai également de ne pas écouter les personnes qui sont fatalistes sur le sentiment de ne pas trouver sa place et qui répètent que « le monde du travail ne consiste pas à trouver sa voie », que « le monde du travail c’est comme ça ! », que personne ne « fait un métier qui lui plait vraiment », ou encore que « mon travail ce n’est pas ma passion et pourtant j’y vais tout les jours et cela me convient ».
Il est essentiel de se questionner régulièrement, et parfois le changement peut-être tout simplement d’exercer son métier de manière différente : indépendant, freelance. Bref vous l’aurez compris, simplement chercher à adapter son environnement à soi et à sa personnalité. Ce qui convient aux autres ne nous convient pas forcément.

Ne vous sentez pas embarrassé d’avoir voulu essayer plusieurs domaines

Se laisser le temps pour tester des choses et ne pas se sentir embarrassé d’avoir un parcours non-linéaire me parait aujourd’hui essentiel. S’autoriser à trouver une manière de travailler qui soit la plus adaptée à soi est une démarche saine.
Personnellement, c’est justement cette richesse de parcours qui m’a permis de commencer l’entrepreneuriat sereinement (même si je n’en suis qu’au début je le conçois !) mais j’ai par exemple aujourd’hui la capacité de passer très rapidement d’un sujet juridique à un sujet plus commercial. Grâce a mes expériences, je maitrise facilement les outils digitaux. Surtout, je comprends facilement mes interlocuteurs du fait de cette diversité, l’hypersensibilité aidant car on se met naturellement à la place des autres. Sans oublier le fait d’avoir travaillé à l’étranger, qui me permet d’échanger aisément avec des interlocuteurs internationaux.

Osez !

Pour que l’hypersensibilité devienne une force et non un problème, il faut avant tout la comprendre, l’appréhender, puis trouver un projet ou un emploi qui ait du sens pour soi. Autrement dit oser, car au fond, même si on fait les choses avec prudence, on n’a rien à perdre à essayer et à se faire confiance ! Restez curieux et osez, Osâme en est la preuve !
Et surtout, si vous voulez en discuter (ça aide aussi d’échanger) n’hésitez pas à me contacter 🙂


Que retenir de l’expérience d’Anaïs ?

  • Comprendre son hypersensibilité est la première étape pour l’appréhender et la voir davantage comme un atout que comme un problème.
  • Partir à l’étranger lorsque l’on se cherche est un bon moyen de s’ouvrir à d’autres horizons et d’avoir des réponses tout en se vidant l’esprit.
  • Ne soyez pas pressé.e de trouver les réponses à vos questions, prenez le temps de vous découvrir, d’apprendre à vous connaître : la personne que vous êtes et celle que vous aimeriez être.
  • N’hésitez pas à vous faire aider si vous vous lancez dans l’entrepreneuriat ! Cela peut être un gain de temps considérable et c’est un bon moyen de se rassurer.
  • Comme le dit si bien Anaïs : OSEZ !

Vous pouvez retrouver Anaïs, qui explique comment comprendre son hypersensibilité, sur LinkedIn.


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