Bore-Out : Quand le travail devient torture psychologique

Vous avez sûrement entendu parler du “burn-out” ? Fameuse décompensation causée par le surmenage. Mais le “bore-out” ? Cette situation improbable où l’ennui au travail est tel, que le quotidien devient insupportable. La salarié perd alors toute motivation, accablé dès le réveil à l’idée d’aller au travail. Ce vide, source de culpabilité et de souffrance psychique ne doit plus être ignoré. Il est temps d’oser en parler, et trouver comment s’en libérer ! 


Article invité rédigé par Marie Arnoult


Le Bore-Out : le syndrome de l’ennui qui dérange 

Il est évident que même si nous faisions tout pour fuir le monde du travail, la société actuelle nous empêche par tous les moyens de nous y soustraire. A moins de s’expatrier à l’autre bout du monde pour faire son potager, élever des chèvres, et vivre du troc, il est impossible d’être en autarcie totale dans le monde occidental !

Par delà l’aspect financier, le travail est le lieu où l’on passe la majeure partie de notre temps. Il semble donc logique de se tourner vers un domaine qui nous correspond, voire qui nous passionne. Certains parlent de vocation, au point de ne pas voir le temps passer. Mais attention à cette image dorée prônée par la société. Depuis plusieurs années, psychiatres, sociologues et journalistes dénoncent les déviances du monde du travail. De plus en plus d’articles rapportent les cas de manipulations toxiques, souffrance psychique au travail ou encore situations de harcèlement. 

A l’opposé, toute une catégorie de personnes promeuvent le travail comme lieu de libération et d’épanouissement personnel. Cette idée est souvent défendue par les néo-entrepreneurs et les coachs de vie. 

Il y a désormais une vision duale du monde du travail : les passionnés et les déçus. Les exaltés, et les déprimés. 

Depuis mon compte instagram @marie_la_grainej’avais réalisé un sondage. Sur les 200 participants, 30% avaient déclaré ne pas apprécier leur travail, et 15% confiaient s’y ennuyer. La moitié parlaient de journées longues, 70% aimeraient changer de job, et 30% considèrent que leur emploi n’a pas de sens. Un pavé dans la mare. Alors j’ai plongé dans mes recherches et réalisé un épisode dédié au bore-out sur mon podcast.

Bore-out : Définitions

La notion de “Bore-Out Syndrome” est apparue en 2010, suite aux travaux d’experts sur le burn-out (qui touche tout de même 10% des français, ce qui est déjà énorme !)

L’ennui au travail est une notion complexe à conceptualiser. Pour résumer, il s’agit d’un état émotionnel désagréable dû à une stimulation insuffisante et une insatisfaction continue au travail. 

Le drame ? Près de 30% des salariés français n’ont littéralement RIEN à faire au travail. Mais ces chiffres sont délicats à estimer. A partir de quand considère-on qu’il y a ennui ? Comment distinguer ceux qui s’ennuient parce qu’ils ont des capacités intellectuelles supérieures ? Et à partir de quelle durée d’inactivité par jour peut-on parler d’ennui ?

Le bore-out a mis en évidence une triste réalité : il n’y pas d’un côté les personnes qui travaillent, et de l’autre les chômeurs. Sur 10 personnes salariées, 3 sont en position de travail “sans activité”.  

Nous sommes tous plus ou moins préoccupés par la pertinence de notre emploi. C’est pour cette raison que l’ennui (ou le surmenage !) aboutissent toujours à des craquages plus ou moins graves. 

En 2008, Pierre Bréchon a réalisé une enquête dans le monde du travail : 68% des personnes interrogées considéraient que le travail est un élément très important dans leur vie et la majorité déclarait qu’il permet de renforcer le lien social et structurer leur quotidien. 

Comment définir le bore-out ? Il s’agit d’un ensemble de souffrances vécues par des salariés qui ressentent un ennui total pendant leur temps de travail. Ils ont bien un contrat et un salaire, mais se sentent littéralement payés à ne rien faire. Il ne s’agit pas d’une “mise au placard”, mais plutôt d’un quotidien salarial vide de stimulation mentale et/ou physique. 

Cette souffrance s’avère terrible car elle est silencieuse, indétectable et transparente. 

Selon les différentes études réalisées, il s’agit d’un phénomène plus présent en France qu’ailleurs, notamment en raison des nombreuses mesures réglementaires instaurées après les Trente Glorieuses. Multiplication des normes du travail, surabondances de postes dans des secteurs qui ne se renouvellent pas, et durcissement des lois en en matière de licenciement et de réembauche. En bref, le monde du travail s’est cristallisé. Ô désespoir ! 

Le bore-out naît de l’absence même de travail. Il existe évidemment des emplois “sans activité”, dont le but même est de ne rien faire : surveillants de musées, vigiles, etc. Seules les personnes en capacité de subir le vide sans en souffrir peuvent supporter ce type de poste !

La mesure “d’Echelle de Disposition à l’Ennui” (Boredom Proneness Scale), est le seul outil pour estimer la capacité à supporter l’ennui. Mais là encore, difficile de cerner précisément la limite pour définir l’ennui, et sa manifestation concrète. 

L’hyperactivité permanente prônée par la société, et la poursuite du “remplir” sa vie n’est pas pour rien dans la souffrance générée par les moments de creux selon moi … 

Symptômes et conséquences de cet ennui subi

La première difficulté est d’oser en parler : il est en effet particulièrement embarrassant et mal vu de solliciter son supérieur sous prétexte que l’on s’ennuie. Christian Bourion précise d’ailleurs que “le cerveau du salarié qui occupe le poste doit absorber cette inactivité, ce qui provoque une grande souffrance”. (Bore-Out Syndrom, 2015)

Les sociologues considèrent que la limite du tolérable est atteinte lorsque le temps de travail réel est inférieur à deux heures par jour, soit un petit 35h par mois. Horreur ! Certains employés finissent même par accaparer forums et réseaux sociaux en pleine journée pour sortir fictivement de leur isolement. 

En 2018, pour la première fois en France, un employeur a été condamné par la justice suite au bore-out d’un de ses salariés. Frédéric travaillait dans le secteur du luxe. Suite à la perte d’un important client, son supérieur a cessé de lui confier le moindre projet. Il s’est retrouvé placardisé, rejeté par ses collègues, et non informé des réunions. Il sombre alors dans un ennui total, et finit en dépression. Pendant son arrêt de travail, il est renvoyé par son employeur. Ce dernier est condamné pour licenciement abusif, car les médecins avaient clairement établi le lien entre sa dépression et son ennui. 

Pour information, la mise au placard délibérée est considérée comme du harcèlement moral. Des sanctions existent, mais encore faut-il prouver le lien entre l’ennui, le risque psychosocial et l’agissement hostile de l’employeur ! 

Les symptômes du bore-out :

  • Dévalorisation de l’image de soi, perte d’appétit, insomnies, stress chronique, eczémas
  • Sentiment d’échec, d’avoir raté, d’être “moins bon”
  • Sentiment de blocage et de ne pas pouvoir agir
  • Peur d’être critiqué par les autres sur le manque d’activité
  • Honte de ne pas être actif et “performant” 
  • Syndrome du survivant : culpabiliser alors que d’autres “donneraient tout pour un emploi” 
  • Dépression : prise médicamenteuse (antidépresseurs / anxiolytiques) 

Du côté des comportements habituels observés chez les individus :

  • Frustration, indignation et colère : très rare
  • Acceptation de la situation d’ennui : fréquent
  • Démission pour chercher un autre travail : excessivement rare 
  • Évitement / fuite dans des occupations pour tromper l’ennui : très fréquent

Le salarié qui fuit l’ennui va tenter de tromper le vide de différentes manières : arriver en retard et partir plus tôt ; prendre le travail des autres ; aller lentement exprès ; se divertir sur le net ; inventer des tâches. C’est malheureusement souvent ce qui arrive. 

une personne victime de bore-out au bureau

Pourquoi se développe ce syndrome ?  

Le cerveau est à l’image d’une voiture qui s’use s’il n’est pas utilisé ! 

Une étude sur des rats par le laboratoire Kraft a Nancy a révélé que l’isolement avait un impact sur la durée de vie. Un des groupe subissait des tortures, et dans l’autre, les rats était isolés et ignorés. La durée de vie s’écroulait pour ceux qui n’avaient pas la moindre stimulation.

En 2010, une étude du Journal International d’Epidémiologie a d’ailleurs rapporté que les risques cardiovasculaires augmentent de manière exponentielle chez les individus qui s’ennuient au travail. Et quand on sait que le chômage est responsable en France d’un suicide sur cinq, que penser des 30% de personnes salariées vivant une inactivité totale et taisent leur malaise ?

Si vous êtes concernés par cette situation, rassurez-vous, rien n’est figé et des solutions sont possibles !

Le bore-out : Un signal d’alerte pour mener une révolution personnelle !

Et s’il fallait voir le bore-out comme un signal d’alerte ? Comme une révolution personnelle indispensable pour avancer et se libérer ? 

Si vous avez fait le constat que votre situation n’était pas viable, et que l’ennui que vous subissez ne vous satisfait pas, voire, vous détruit, vous devez impérativement agir le plus vite possible (oui, c’est un ordre !) Comme tout acte repoussé, plus vous attendrez, plus vous aurez de mal à vous extirper de cette position. 

J’ai moi-même vécu quelques temps cet ennui. Par chance, j’ai pu m’en extirper très vite, et vu le moulin qui me sert de cerveau, heureusement !

Voici mes conseils pour vous aider :

  • Oser communiquer : parlez à vos collègues et supérieurs. Confiez votre ressenti en prenant vos précautions, en expliquant posément que vos missions ne sont pas assez stimulantes, et que vous souhaiteriez enrichir vos compétences. Si vous êtes face à des personnes à l’écoute et ouvertes à la discussion, il se pourrait que des postes ou des missions différentes vous soient confiées. 
  • Cherchez un nouvel emploi : entretenez votre réseau professionnel afin de vous ouvrir des portes dans un autre secteur ou une entreprise qui recrute. Restez à l’affût,  Avant de poser gaiement votre démission sur la table !
  • Si vous êtes fonctionnaire de l’Etat : renseignez-vous sur les concours existants et les postes correspondants. Vous pourriez prétendre à de nouvelles fonctions plus enrichissantes ! 

La révolution personnelle, la plus libératrice des issues, ma préférée : 

Selon moi, l’ennui que vous vivez n’est pas qu’un symptôme bénin. Il est là pour mettre en lumière qu’il est temps de remettre en question toutes vos idées, votre parcours et votre quotidien. 

Peut-être que c’est en vous sentant ainsi acculé face à la douleur que vous allez pouvoir prendre votre envol, et envoyer balader tous les carcans que vous vous imposés. Tels horaires, tels secteurs, telles missions répétitives. Tels mode de vie, sorties, intérêts, distractions. Ce ras-le-bol est un cadeau. Si vous le voyez comme une chance de tout quitter, alors foncez ! 

Bien sûr, il n’est pas question de partir d’un seul coup, sans se préparer (quoique ?). Ce serait osé, mais risqué ! 

Mon conseil : profitez de vos larges plages horaires vides pour réfléchir sur vous. Consultez des sites de développement personnel, testez vos connaissances sur plusieurs domaines, faites un bilan de compétences auprès d’un spécialiste, ou concevez votre Ikigai par exemple (méthode japonaise pour déterminer sa raison d’être). 

Cette phase d’exploration permet de mettre en lumière une attirance pour certaines activités ou certains domaines (l’art, le graphisme, la santé, l’écologie, la gastronomie, la psychologie, etc). 

Ces centres d’intérêts nouveau ou enfouis au plus profond de vous n’attendent que d’être découverts ! 

Au fil de vos interrogations, probablement que de multiples idées viendront. Des projets inavouables, des rêves fous que vous n’osez pas envisager. Comme devenir entrepreneur, créer un podcast, et ne plus être sage ! ?

Sachez une chose, c’est de l’ennui que naît la créativité. Gardez cette certitude en vous. Prendre votre envol et oser quitter votre job pour aller dans l’inconnu fait peur, certes, mais vous avez tout à y gagner. La liberté. 


Vous pouvez retrouver Marie sur le site internet de son podcast et sur ses réseaux sociaux


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