Cumuler des jobs ou l’art du slashing selon Marielle Barbe

Il y a peu, j’ai rencontré Marielle Barbe, auteur de “Profession slasheur : cumuler les jobs, un métier d’avenir”. Je lui ai posé les questions des membres de la communauté Pose ta Dem’ et voilà le résultat ! Comment slasher entre plusieurs activités ? Comment être légitime ? S’organiser sans s’éparpiller ? Voici l’art du slashing selon Marielle Barbe.


Marielle Barbe multiplie les casquettes : à la fois auteur, conférencière / coach / formatrice / consultante, elle revendique l’art du slashing dans son livre Profession Slasheur. Se sentir à sa place, assumer sa singularité, trouver du sens à sa vie, voilà les missions qu’elle s’est fixée, et qu’elle partage à ses lecteurs.

Après avoir lu son livre, j’ai proposé une interview à Marielle Barbe car je voulais absolument vous partager ses conseils de slasheuse, et que vous trouviez à travers son expérience de l’inspiration et un cadre pour donner vie à vos différents projets. Nous avons discuté entre autres de son parcours, du regard des autres, de son organisation pour jongler entre plusieurs activités, de la valeur ajoutée qu’un slasheur peut apporter ou encore de ses projets pour l’avenir. Bonne lecture !

“J’aurais voulu composer mon métier comme un kaleidoscope, le personnaliser en prenant le meilleur de tout ce qui m’intéressait. Aujourd’hui, on dirait le “customiser”. 

Comment as-tu commencé à t’intéresser au slashing ?

Le premier élément déclencheur a eu lieu totalement par hasard en lisant un article au comptoir d’un café qui parlait du phénomène des slasheurs. J’ai eu un déclic ; ce que je ressentais portait un nom ! J’ai photographié l’article pour le garder avec moi. Et puis un jour, je suis allée à un événement, et quelqu’un m’a posé cette question simple mais pas facile lorsque l’on a plusieurs casquettes : « Qu’est-ce que tu fais dans la vie ? ». Et là pour la première fois j’ai osé répondre : « je suis slasheuse »Ce terme était incontestablement le plus représentatif de ma vie professionnelle.

Je venais alors de quitter le domaine de l’écologie et étais revenue à mes premiers choix professionnels, à savoir l’humain. Je développais des séminaires au carrefour du développement personnel et professionnel, et une fois de plus me trouvais confrontée à des personnes qui me reprochaient de “n’être spécialiste de rien”. Et cela ne faisait que conforter mon sentiment d’être illégitime, usurpatrice, instable. Cela a été le drame de ma vie pendant bien trop d’années.

Jusqu’à ce que je réalise que je laissais les autres me couper les ailes parce que j’étais la première à me les couper. Et que je décide de m’autoriser à être qui je suis. En un après-midi, j’ai créé mon site internet sur lequel j’ai écrit “Marielle Barbe Slasheuse” en gros caractères sur la page d’accueil. J’avoue que ce n’était pas le site le plus réussi, mais il m’a permis de dire ce que je faisais : coach, formatrice, consultante… Ça a été une libération, j’ai eu la sensation de lancer ce message à l’univers, de faire mon coming out professionnel… je ne pouvais pas revenir en arrière !

Je n’aurais jamais pu imaginer qu’il y aurait un avant et un après, que ma vie changerait totalement à ce moment-là. Que m’affirmer m’offrirait autant opportunités professionnelles… Et depuis plus personne ne m’a plus jamais reproché d’être une touche-à-tout. Au contraire, aujourd’hui lorsque je dis que je suis slasheuse, la plupart des gens me répondent : “Oh ! Mais moi aussi je suis slasheur, en fait !” Le fait de l’assumer donne la permission aux autres de l’assumer et c’est formidable !

N’est-ce pas une manière de se dédouaner à ne pas réussir à se concentrer sur un seul projet ?

Ce n’est pas parce que l’on est slasheur que l’on ne peut pas être focus. D’ailleurs lorsqu’il le faut, je sais être très focus, la preuve : j’ai écrit un livre de 300 pages en immersion totale pendant 4 mois !

Par contre, être expert versus monoactivité, n’est pas compatible avec ma personnalité. L’obligation d’être monotâche, de surcroit en CDI dans la même entreprise me donne l’impression de m’enfermer, de signer un contrat “anti-vie”. C’est pour cela que je ne peux plus être salariée dans une entreprise qui m’empêcherait de m’absenter par exemple une demi-journée pour assister à une conférence.

Je fonctionne pas itérations : lorsque je m’engage dans un projet, un sujet, je l’explore, l’investigue par tous les bouts, avec beaucoup d’enthousiasme. Ce qui me permet d’en faire rapidement le tour, et c’est souvent dans cette investigation  en 360° que je découvre un autre sujet qui me donne envie d’ouvrir une nouvelle boucle.

Il est vrai que le risque du slasheur est de s’éparpiller du fait de sa curiosité insatiable. Moi, par exemple, tout me fait de l’oeil en permanence. Ce qui m’aide à rester focus, c’est d’identifier le fil conducteur de tous mes slashs, des facettes de mon diamant. Aussi lorsque j’ai l’envie de ma lancer dans une nouvelle aventure professionnelle, je me demande : est-ce qu’elle vient nourrir ma raison d’être ? Si non, je la mets de côté. Si oui, je me pose la question : est-ce qu’aujourd’hui c’est ma priorité ? Est-ce que j’en ai vraiment envie ?

A mon sens, pour éviter l’éparpillement, la priorité est d’identifier son Ikigai, de trouver sa raison d’être. Quand je prends le temps d’accompagner les gens pour trouver leur fil directeur, on finit toujours par le trouver !

Prenons l’exemple d’une ex-journaliste et décoratrice d’intérieur. Elle gagnait très bien sa vie à la belle époque de la presse écrite. À 55 ans, elle s’est fait remercier par un gros groupe de presse. Elle a ensuite fait des piges dans des petits journaux, et avait du mal à joindre les 2 bouts. Passionnée de déco, elle avait aidé quelques amis à faire un peu de home staging. Je lui ai suggéré de lancer cette activité en parallèle du journalisme.

Ce qu’elle a fait et lui a permis de réaliser qu’elle n’avait plus envie d’être uniquement journaliste derrière son bureau, alors qu’elle adore la déco. « J’aime chiner des meubles, je vois des gens, je bricole, je bouge… mes activités sont complémentaires. Et jongler entre les deux m’apporte beaucoup d’équilibre ».

En revanche elle ne voyait pas le fil conducteur entre ces deux activités ! En cherchant, il est apparu de manière évidente :

  • Dans le journalisme, elle classe de l’information, la hiérarchise et aide les gens à s’approprier cette information.
  • Dans le home staging : eh bien c’est pareil ! Elle range, pose les éléments au bon endroit, créé une fluidité, de l’harmonie pour que la personne se l’approprie.

Aujourd’hui, elle peut expliquer simplement à ceux qui ne comprennent pas le grand écart entre ses deux activités et pourquoi elle se sent à sa place dans cette double activité. Et bonne nouvelle, elle a été contactée pour rédiger un article dans un magazine de déco ! La boucle est bouclée…

On dit souvent que si on a plusieurs projets à la fois on “papillonne”, que c’est le signe que l’on n’arrive pas à se décider. Comment t’es-tu “autorisée” à devenir slasheuse, malgré l’opinion de la société ?

Je n’ai jamais vraiment pu faire autrement. 

À chaque fois, j’étais sûre d’avoir trouvé ma vocation, mais au final il me manquait toujours quelque chose.

« J’ai construit mon parcours comme le Petit Poucet, caillou par caillou. Mais j’ai pris le soin de choisir des cailloux qui me ressemblent chaque fois un peu plus. Mon chemin est donc bien la somme de ces petits et gros cailloux. Il n’est jamais le même. Il change à chaque instant. »

En écrivant le livre, je me suis souvent demandé comment j’ai pu être salariée pendant plusieurs années ? Cela a marché lorsque j’avais des projets différents à mener en interne, mais aussi parce que j’avais toujours d’autres jobs en parallèle. J’ai réalisé que j’ai toujours eu besoin d’activités qui font appel à la fois à mon coeur, à ma tête, à mon corps. D’ailleurs, cela correspond à la définition de la santé de l’OMS.

Comment fais-tu pour asseoir ta légitimité face à tes clients ? En étant multi-métiers, les clients potentiels ne pensent-ils pas que nous manquons d’expertise ?

En écrivant le livre j’ai répondu à cette question légitime ! 

Il faut d’abord comprendre la valeur ajoutée que l’on apporte à faire plusieurs choses. Il y a plusieurs années, j’ai fait la promotion d’un film et j’ai travaillé dans une agence de communication pour organiser des événements. Si je n’avais pas été slasheuse, je n’aurais pas pu faire tout ça. Sur tous les sujets, j’avais des connaissances mais surtout du réseau, donc tout s’est monté rapidement. Un slasheur a la chance d’avoir des réseaux multiples. C’est la somme de ses compétences, sa capacité à faire des liens entre les choses, à segmenter…

Ce qui est intéressant, c’est la jonction des slashs, les multiples compétences qui se rejoignent, se croisent et finissent par en créer d’autres, d’où le principe du  1+1 = 3. Pour moi le slasheur est un peu comme diamant à l’état brut qui prend de plus en plus d’éclat, de valeur grâce au facettage de chacune des compétences ou métiers.

N’aurait-on pas tellement à gagner à regardez la valeur ajoutée qui est créée par les pluriactifs, plutôt que leur manque d’expertise ? D’ailleurs, on va vers un monde de moins en moins spécialiste. Bien sûr, on aura toujours besoin d’experts ! Mais je pense que cela est bien plus subtil, qu’il est fort dommage d’opposer expertise et pluridisciplinarité. L’expertise, le génie parfois sont le fruit de la rencontre de l’expertise et de la curiosité. Car certains spécialistes ont besoin de personnes qui comme les slasheurs les aident à penser “out of the box”, en arborescence, en faisant des liens…!

Par exemple, Einstein n’était ni le plus grand mathématicien ni le plus grand physicien du monde, mais il a été un génie à la croisée des deux !

Peux-tu nous donner tes meilleures astuces d’organisation ?

Cette question revient souvent et semble inquiéter beaucoup. In fine, c’est exactement la même logique qu’un salarié qui traite plusieurs dossiers en parallèle ! 

Mes principes d’organisation ? De bons dossiers sur mon ordinateur et des dossiers papier ! Par exemple, j’ai besoin d’avoir ma to-do list très propre, sur papier, et rayer au fur et à mesure, ça me permet de me décharger mentalement.

Je me fais à chaque fois un memo à date avec ce qu’il s’est passé dans un rendez-vous, avec les actions prioritaires et les échéances à venir. Sinon j’oublie, donc je préfère garder une trace de tout. J’ai aussi pris l’habitude d’allouer du temps où je me pose pour reprendre dossier par dossier, gérer des mails en retard… J’ai aussi un carnet à côté de mon lit pour noter quand quelque chose me vient en tête pour éviter de gamberger.

Concrètement, ma journée commence par une routine matinale : une fois que ma fille est partie, je prends un moment de méditation. C’est un temps pour respirer, être dans la gratitude de la journée qui s’annonce. Puis mentalement, je pose précisément mes intentions pour cette journée.

Par exemple, pendant l’écriture de mon livre, chaque matin je redéfinissais “pour quoi” je faisais ce livre. Ce que je voulais apporter aux lecteurs. Cela m’a permis de ne jamais m’éloigner de mes intentions profondes, de préciser le de ne pas faire fausse route. Et m’a aussi donné du courage, aidée à tenir le rythme. Et au final, les retours des lecteurs dépassent largement les intentions posées !

« Chaque slasheur a sa façon de travailler en mode slash. Sans mode d’emploi, sans modèles, le slasheur quel qu’il soit, doit composer sa vie entre ses différents salsas à la manière d’un chef d’orchestre. Il n’a pas d’autres solutions que d’inventer une organisation sur-mesure entre ses différentes activités. »

Comment te projettes-tu dans quelques années ?

Ecrire d’autres livres ! Donner des conférences !

Et bien sûr, contribuer à ma mesure à faire bouger les lignes, à bousculer des croyances, et m’engager dans des causes qui me passionnent comme l’éducation ou l’écologie.

Le chemin que je vois se dessiner aujourd’hui pour moi, c’est d’aider les gens à trouver leur place. Un monde en bonne santé passe par l’humain, si chacun était à sa juste place, dans son élément, en nourrissant chaque jour sa raison d’être, le monde tournerait mieux naturellement. A cet endroit là, je me sens investie d’un vrai engagement, d’une “mission”.

J’ai aussi d’autres envies, comme mettre en place des conférences-spectacles avec des formes plus interactives ou poétiques…

Et comme je suis furieusement slasheuse, je me tiens prête aussi à me laisser surprendre, bousculer par la vie (souvent bien plus intelligente que moi). Et qui sait où cela me conduira…

Que conseillerais-tu à un salarié qui veut poser sa dem’ et qui se reconnait dans le mot slasheur ?

Commencer par essayer de comprendre les enjeux de l’évolution du travail aujourd’hui. Puis comprendre qu’il est pas un extraterrestre, mais bien au contraire qu’il a une réelle valeur ajoutée à apporter à la société. C’est justement son type de profil qui sera le plus adapté pour accompagner ces évolutions exponentielles en cours.

Et ensuite, se comprendre lui, son fonctionnement, son parcours, son fil rouge…

Mais avant tout d’assumer son fonctionnement hybride. Sinon il ne se passera rien ! Personnellement j’ai mis bien trop longtemps à l’assumer. L’assumer, c’est refuser d’être dans la norme de la monoactivité qui nous est encore imposée. Nous avons le droit de ne pas se retrouver dans cette norme en décalage avec le tempo de notre époque !


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