Philomène : Elle a monté son entreprise d’empowerment des femmes après avoir travaillé dans la communication

Après avoir travaillé comme cheffe de projet digital, Philomène Crété a changé de voie et a décidé de monter son entreprise d’empowerment des femmes, Trouble Makers. Elle intervient en entreprise sur des sujets comme l’inclusion et la diversité. Dans cette interview, elle nous raconte les raisons qui l’ont poussée à quitter son emploi, mais aussi le cheminement qui l’a amenée à créer son entreprise. Si vous cherchez des conseils pour vous reconvertir, cette interview est faite pour vous !


Bonjour Philomène, raconte-nous ton parcours en toute transparence !

Pour une raison qui m’échappe, après mes études de sociologie, sciences politiques et communication, je suis partie travailler deux ans dans une agence de communication digitale. Mon premier jour, je pensais déjà à mon futur départ : j’étais cheffe de projet digital, mais en fait, je servais de passe-plat entre les clientes de l’agence et les créatifs. J’étais en charge du budget, de l’organisation des réunions, et surtout, je restais devant mon ordinateur la plupart du temps, à effectuer des missions complètement inutiles – en bref, mon travail n’avait aucune utilité pour personne, et je détestais ma mission.

Mon travail n’avait aucun sens à mes yeux, il n’allait changer la vie, ni n’aider personne, et on bataillait pour quelques virgules et des problèmes typographiques sur des articles publiés en ligne et consultés en moyenne deux fois par mois. Je n’étais pas faite pour ce travail. En revanche, une chose m’intéressait bien plus : la manière dont les hommes et les femmes se comportaient différemment en entreprise, parlaient, donnaient leur opinion et menaient des réunions. J’ai quitté l’entreprise après deux ans, suis partie voyager quelques mois et ai monté mon entreprise d’empowerment des femmes et de promotion de l’inclusion et de la diversité en entreprise. Aujourd’hui, ça fait un peu plus d’un an que je travaille là-dedans.

Comment s’est passé ton départ ?

J’ai parlé de ma volonté de quitter l’entreprise à l’équipe managériale et leur ai demandé une rupture conventionnelle. Ils me l’ont accordée. Le directeur général a bien essayé de me retenir, mais ma décision était prise – je devais partir, mon prochain travail devait avoir du sens.

Comment as-tu trouvé ta nouvelle voie ?

J’ai trouvé ma voie au croisement de plusieurs intérêts – au début, je pensais que je ne la trouverais jamais, que j’aimais trop de choses différentes pour trouver le poste parfait, qu’il faudrait que je m’adapte à ce qu’on m’offrirait, qu’il y aurait toujours un bémol, bref, travailler ou “faire carrière” impliquerait forcément des sacrifices. En fait, non.

J’ai toujours été fascinée par la transmission de savoir, et pendant mes études, plusieurs professeurs m’ont totalement fait vriller : mon obsession pour la sociologie, les explications sociales des comportements et les études de genre a démarré. Il m’a fallu plusieurs années – dont quelques années de travail en entreprise, dans un domaine totalement éloigné des études de genre – pour réaliser que je pouvais avoir un impact positif sur les femmes qui m’entourent. 

Un des déclics fut notamment d’observer le manque de confiance en elles des femmes qui m’entouraient, lors de mes missions de cheffe de projet : les femmes étaient parfaitement qualifiées et compétentes, mais elles éprouvaient beaucoup de difficultés à mener une réunion, à prendre des décisions, à se faire écouter. Je me suis assez vite remise du syndrome de l’imposteur. Et faire une présentation client n’était absolument pas une difficulté pour moi, m’exprimer en public non plus.

Raconte-nous comment tu as monté ta boîte après ta rupture conventionnelle !

Après avoir quitté mon travail et être partie en voyage quelques mois, j’ai emménagé en Angleterre et ai cherché du travail. Le digital ne m’intéressait absolument plus, mais j’avais postulé – par réflexe. Mon manque de motivation s’est probablement vu : personne ne m’a retenue. Tant mieux. Un soir, je suis allée à un atelier organisé par des femmes, sur la confiance en soi. L’atelier était intéressant, mais pas suffisant à mes yeux. Bien que ce n’était pas encore mon métier à l’époque, je savais parfaitement que j’aurais pu mener un atelier en apportant des réponses beaucoup plus riches et concrètes que celles qu’on venait de me donner. Alors je l’ai fait. 

J’ai démarré dans mon salon : je recevais des femmes seules ou en groupe, les entrainais pour prendre la parole et pour se débarrasser de leur syndrome de l’imposteur. Il fallait qu’elles aient le courage de négocier, de prendre la parole, de s’exprimer en public, de prendre des décisions sans avoir à les justifier.

Ça me faisait très peur, au début. Je me disais que je ne pourrais pas en vivre, que ces femmes n’avaient pas besoin de moi, que je n’étais pas experte. Mon entourage s’inquiétait pour moi, se demandait quand j’allais “embrasser une vraie carrière”. Trouver cette voie a mis du temps.

Et si, j’étais experte. Mes études et mon expérience professionnelle m’ont permis d’exploiter mes compétences pour en faire un savoir-faire particulier. Et j’ai réussi à faire valoir l’avantage de travailler avec moi auprès de mes clientes : la pédagogie, la simplicité de l’approche et mon énergie. Certaines personnes disent qu’elles ne sont pas faites pour telle branche, tel métier, qu’elles ne trouveront jamais, ou qu’elles ne savent “rien” faire. C’est faux, archi faux. C’est simplement qu’on a pris l’habitude de s’appuyer sur des mauvais bâtons, et qu’on a oublié les ressources et les connaissances qui résonnent vraiment pour et en nous.

Travailler dans une branche qui ne nous plaît pas et être persuadé.e que nos compétences résident uniquement dans les missions décrites par le poste, c’est comme si on nous avait appris à pédaler sur un vélo trop petit, qu’on n’arrive pas à faire avancer ou tourner : évidemment qu’on se sent mal et parfois même, inutile. Et il faut du temps pour savoir ce qu’on aime faire. Parfois, on aime même faire plein de choses différentes à la fois. Et pourquoi pas ? Tant que ça nous plaît ? La carrière de 40 ans dans une entreprise, c’est ‘so 1950’. Ça n’existe plus. Alors passons à autre chose.

Comment ont réagi tes proches ?

Après avoir un peu douté (sans trop me le dire), ils m’ont beaucoup soutenue et m’ont offert plein de conseils. Ma famille est très fière de moi, mes ami.e.s aussi – et tout le monde autour de moi salue l’initiative de l’entreprise. Une des raisons pour lesquelles je réussis si bien aujourd’hui, c’est aussi beaucoup parce que mes proches ont “cru” en moi. Personne ne s’est moqué, personne n’a fait de remarque désagréable, personne n’a exprimé de scepticisme (devant moi, en tout cas), et tou.te.s m’ont soutenue dans mon idée. Ça peut paraître “cheezy”, mais quand vos proches croient en vous, ça change TOUT. On se sent beaucoup plus légitime.

En quoi consiste ton activité aujourd’hui ? Quel est ton quotidien ?

Aujourd’hui, je gère ma propre entreprise, Trouble Makers, et j’interviens en entreprise sur des sujets comme l’inclusion, la diversité et l’empowerment des femmes. Je mène aussi des entraînements individuels en parallèle, sur-mesure.

Mon quotidien ? Pas de bureau fixe. Je vis à Paris et je me déplace à vélo dans des cafés, des espaces de coworking pour travailler. Je marche aussi beaucoup, ça me donne énormément d’idées, ça en débloque d’autres, et parce que je passe une partie de ma journée dehors, je dors beaucoup mieux. Je peux travailler dix heures d’affilées une journée, deux heures le lendemain. J’ai choisi des horaires de travail qui correspondent à celles de mon entourage, comme ça je peux les retrouver à la fin de la journée. La différence avec le salariat est que je m’organise vraiment autrement – mais il est bon de rappeler que même sans boss, la pression reste la même.

Comment as-tu trouvé tes premiers clients ?

Par le bouche-à-oreille : des femmes qui avaient suivi mes ateliers en Angleterre m’ont recommandée à des entreprises anglaises – et avec ce début d’activité, quand je suis rentrée en France, j’ai obtenu des contrats avec des entreprises françaises.

Comment gères-tu la transition financièrement ?

Grâce à la rupture conventionnelle de contrat négociée avec mon ancien employeur, j’ai pu toucher le chômage à mon retour en France. En Angleterre, au début, j’avais dû demander des aides de l’État britannique pour vivre. Donc au début, c’était un peu vertigineux, et ça me faisait peur, mais finalement, l’entreprise et moi sommes sur la bonne route. 

Je pense qu’il ne faut pas avoir peur de dire qu’on a besoin d’aide financière. J’avais honte de m’adresser aux services d’aide britannique pour demander de l’aide (je n’en avais d’ailleurs pas parlé à mes proches), mais il n’y a pas de quoi avoir honte : quand on est en reconversion, on teste des choses, on fait des expériences. Le tout, c’est de se bouger. Je facturais évidemment mes ateliers. L’argent que j’en tirais ne suffisait pas pour me faire vivre chaque mois, mais au moins j’avais l’impression de mériter cette aide. Et ça m’a aidée à décoller !

Quels conseils donnerais-tu à quelqu’un qui souhaite se lancer mais n’a pas encore osé franchir le pas ?

1 – Oser prendre le temps de se poser des questions : j’ai pris presque un an avant de démarrer une nouvelle activité, et c’est plus d’un an après le départ de mon ancienne boite que j’ai fondé Trouble Makers. Si on peut se le permettre, il est nécessaire de prendre du temps.

2 – Prendre du temps ≠ ne rien faire : je ne savais peut-être pas ce que j’allais faire, mais comme je n’en avais aucune idée, j’ai ouvert mes perspectives : j’ai passé deux semaines à m’occuper d’abeilles avec un apiculteur néo-zélandais, j’ai fait de la permaculture, je suis allée seule à des événements qui n’avaient rien à voir avec ma vie ni mes passions ; j’ai marché longtemps, seule ou accompagnée ; j’ai lu les livres, les sites internet que je n’avais pas pris le temps de lire quand je travaillais comme cheffe de projet ; j’ai déménagé dans un autre pays ; j’ai postulé à des jobs complètement improbables ; j’ai intégré l’organisation d’un groupe d’événements queers en Angleterre ; j’ai pratiqué des activités qui sortaient de mon ordinaire : la pêche, l’escalade, les randos vélos, même la course, alors que j’ai horreur de ça. J’ai discuté pendant des heures avec des gens dont l’opinion était totalement opposée à la mienne, bref, j’ai passé plus d’un an à me mettre dans des situations qui me sortaient de ma zone de confort. J’avais besoin de tester un maximum de choses pour savoir ce qui me plaisait. Toute personne en reconversion ne doit pas forcément se mettre à la pêche ou à l’apiculture : l’important est de rester intellectuellement actif.ve dans sa vie de chômeur.se. Se bousculer un peu.

3 – Se pousser un peu : il y a des jours où on a envie de ne “rien faire”, surtout après plusieurs années à un poste qui ne nous plaisait pas. Il y a aussi des personnes qui m’ont dit, récemment : “j’ai décidé de ne plus aller à des événements, des soirées, des dîners où je n’avais pas envie d’aller”. J’étais plutôt d’accord au début, mais j’ai remarqué que quand je me poussais un peu à aller à ces dits événements, j’en tirais la plupart du temps des avantages considérables : des rencontres, un nouveau réseau, des nouvelles personnes avec lesquelles partager ses expériences, et même parfois, des nouveaux clients.

4 – S’organiser : pour celles et ceux qui veulent être à leur compte, la vie de chef.fe d’entreprise n’est PAS de tout repos. L’avantage clé que j’y trouve est qu’on peut s’organiser comme on veut, mais derrière, il faut travailler. J’ai compris récemment que la vie de freelance ou de chef.fe d’entreprise n’est pas faite pour tout le monde. Changer de voie ne veut pas forcément dire devenir entrepreneur. Je suis très heureuse de l’être, mais je tiens à rappeler que l’organisation des journées de travail est un travail en soi. Pour les personnes qui ne sont pas organisées, vous allez devoir apprendre à l’être.


Que retenir de l’expérience de Philomène ?

  • Prenez le temps de réfléchir à ce que vous aimez faire. Sortez de votre zone de confort, découvrez de nouvelles choses : c’est une étape essentielle pour trouver sa voie.
  • Comme l’explique très bien Philomène : il n’y a pas de honte à demander de l’aide (qu’elle soit financière ou non), alors n’hésitez pas 🙂
  • Reconversion ≠ entrepreneuriat. Ne vous enfermez pas en croyant que l’entrepreneuriat est LA voie à suivre pour se reconvertir. Il existe bien d’autres voies (Marie en est un parfait exemple).
  • Prenez le temps de vous ressourcer, marchez, courez, peignez peu importe. C’est un excellent moyen de prendre du recul et de repartir boosté.e.

Vous pouvez retrouver Philomène, qui a monté son entreprise d’empowerment des femmes, sur son site Internet, sur LinkedIn et sur son compte Instagram.


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