Si la quête de sens passait par la création : histoire d’une reconversion insolite

Et si la quête de sens, c’était d’entreprendre une démarche de création… de nouilles ! Passer de chargée de communication à fabricante de nouilles éco-responsables est la plus improbable des reconversions auxquelles je m’attendais, une reconversion insolite ! Avant d’en arriver là, des montagnes ont dû être gravies, des enfants ont été nourris, mais surtout un vrai travail de réflexion et de respect de mes valeurs a été entrepris.


Article invité rédigé par Sabrina Michée


Tout le monde n’a pas eu la chance de faire un burn-out 

Novembre 2017 à Paris.

Les Vélib sont-ils tous dégonflés ou cassés en ce moment ? Je vais tellement lentement que je pourrais tomber. Sentir que ton corps te lâche, que la force n’est plus avec toi, c’est la dernière alerte qu’il m’a lancé pour dire définitivement STOP et enfin oser poser ma dém. C’était la meilleure chose à faire à ce moment-là.

Deux ans après avoir demandé une rupture conventionnelle à mon entreprise, où j’exerçais la fonction de chargée de communication pour la marque employeur, je peux sereinement faire le bilan et confirmer qu’il ne faut surtout pas attendre de chuter car des actions peuvent être mises en place en amont. C’est bien la première leçon que j’ai retenue.

Et j’ai beaucoup tardé. Tardé avant de réaliser, de comprendre et de me décider. Le temps de perdre toute confiance et personnalité, de croire que j’étais uniquement le problème mais je faisais bonne figure.

Arrête de culpabiliser, oublie la cure de vitamine C et part voyager

Une fois la décision prise de laisser ce CDI et cet environnement qui m’étouffaient et où je ne me reconnaissais pas, j’ai compris que ma deuxième vie allait pouvoir commencer. Certains en vivent même plusieurs à la fois à l’instar des slasheurs. 

Et tu vas faire quoi maintenant ? Je n’ai pas pas de talents, je ne sais rien faire d’autre que de la communication et j’ai tiré un trait sur ce métier à ce moment-là. J’ai une envie, créer.

Trouver du sens, être utile et relever des défis personnels pour retrouver confiance en moi : c’est sur cette base que ma première action a été de partir plusieurs mois en Asie faire des treks en haute-montagne, méditer pendant 10 jours sans parler et être bénévole dans une petite association locale avec les enfants des rues.

  • Mon premier trek en Inde à hauteur de 3200 m a été une grande souffrance ! Je suis plutôt sportive de nature, je viens des montagnes à Grenoble, mais là j’ai vraiment eu l’impression de gravir l’Everest !
  • Ensuite, le Népal à 4100 m au Camp de base des Annapurna. Une indigestion a tenté de me barrer la route le dernier jour, mais là le mental avait commencé à se forger, et la souffrance avait quasiment disparue. En plus,  j’étais portée par la détermination d’un ami rencontré sur place.
  • Qu’à cela ne tienne, j’irai plus haut encore (juillet 2018). Retour en Inde dans les hauteurs de la magnifique région du Ladakh où je tente une ascension à 6150 m, Stock Kangri. Une forme que je ne connaissais plus. Je passe les 5000 m et arrive au camp de base sans efforts avec beaucoup de confiance. Le reste sera beaucoup moins drôle avec un glacier et des crevasses, une tempête de neige et des éclairs dans tous les sens, le mal des montagnes par-dessus et notre expédition (des zombies enneigés) a du stopper à 5800 m. Mais quelle aventure et quel challenge, que du plaisir.

Pas moins de 5 intoxications alimentaires plus tard, je reviens enchantée mais sans aucune réponse !
Mais il faut parfois se perdre pour se retrouver et cela prends un temps nécessaire.

Femme qui mange nouilles dans un bol

Une reconversion insolite

Pourtant, ce sera bien sur tous ces sujets que ma reconversion actuelle s’est tournée. Je ne dis pas qu’il faut systématiquement voyager pour se reconstruire, mais bien que les activités que j’ai expérimentées sont en fait mes points d’intérêts, ce qui me passionne et m’anime. Une bonne base pour la suite. Sauf que je ne l’ai pas découvert seule.

Amatrice de bières artisanales, je découvre à la rentrée 2018 un co-produit de la bière généré en très grande quantité et aux propriétés nutritionnelles très intéressantes : les drêches de brasserie, ces céréales qui ont servi à faire de la bière. Je fais vite le lien avec les enfants des rues aux Philippines qui ne mangent pas à leur faim et une population qui se nourrit mal en consommant de la viande matin, midi et soir, littéralement. Je me donne alors pour mission de nourrir les gens avec (rien que ça). Je pense aussi à mes treks et au nomadisme moderne : j’en ferais des nouilles « instantanées », mais de bonne qualité.

Tout colle, non ? J’ai toujours voulu lancer une activité dans le recyclage, l’alimentation durable m’intéresse et je veux être utile.

Dans la pratique, ce n’est pas un miracle. Beaucoup d’essais à la maison et la nouille n’est pas facile à manier. Mais surtout, je ne suis pas sûre de mon choix, j’ai du mal à me projeter, je doute, cela va-t’il combler mes besoins, vais-je réellement en faire un métier ? 

« Bonjour, je suis dans le business de la nouille pirate ! » (??!)

Indiana Jones et la quête de sens

Quelques mois plus tard, je rencontre Charlotte Appietto qui testait alors son propre projet, aujourd’hui bien abouti. Après un court échange seulement, elle me dit que je pourrais bien appartenir à ce qu’on appelle des multi-potentiels. Je comprends mieux mes frustrations de vouloir tout faire et ne rien faire en même temps. Je décide alors de participer aux prémisses de Pose ta Dem’. 

Ressortent de nos exercices des valeurs clés pour moi : liberté, sens, plaisir.

Durant nos échanges, je fais d’Indiana Jones mon modèle : découverte, nouveauté, mouvement, aventure, transmission, création… Ces aspects deviennent une base solide sur laquelle je m’appuie en permanence. C’est une démarche que je recommande à chacun avant de passer le pas du changement.

L’entrepreneuriat me correspond également par ces aspects-ci : la création et la multiplicité des tâches. Mais surtout créer de ses propres mains a un effet positif incroyable et gratifiant.

Par la suite, j’ai appliqué le principes des petits pas que Charlotte m’a suggérée en :

  • lançant un questionnaire sur les habitudes alimentaires de chacun, orienté nouilles et zéro-déchets,
  • testant mon produit pour la première fois à un événement avec 3000 personnes présentes (Paris Beer Week 2018),
  • m’intégrant à un incubateur d’innovations culinaires pour m’entourer des compétences manquantes (Le Food’Inn Lab d’AgroParisTech),
  • avançant par étape et en planifiant les suivantes.

femme sur le haut d'une montagne regarde l'horizon

Une start-up et une campagne lancée

Aujourd’hui je lance une campagne de financement participatif (crowdfunding) pour financer ce projet et pouvoir en vivre !

Je suis en accord avec mes valeurs, j’apprends tous les jours quelque chose de nouveau, je touche à tout (conception, fabrication, business, management, négociation commerciale, relationnel, stratégie de communication, marketing, événementiel et un peu de cuisine). La communication m’a rattrapée mais la différence est que c’est pour mon entreprise.

J’ai créé un produit que j’ai voulu rebelle, alternatif, épris de liberté et de nomadisme en imaginant un univers décalé pour faire passer des messages d’anti-gaspillage non moralisateurs et sans faire de compromis sur ma personnalité. C’est en relisant aujourd’hui les notes de Charlotte de l’époque que je réalise que tout était écrit !

J’ai toujours des doutes et ma quête continue – le besoin de liberté, d’aventure et de nature sont toujours là. Le temps a passé et je ne vis pas encore de cette activité. Donc je viens de démarrer le programme Side Projet en m’appuyant désormais sur cette nouvelle expérience pour compléter mon épanouissement et mes revenus.

Mes conseils pour éviter le burn-out

  1. Repérer les signes avant-coureurs et ne surtout pas les sous-estimer : classiques mais révélateurs d’un problème à traiter très vite (fatigue intense, problèmes de sommeil, perte d’enthousiasme, repli sur soi, sentiment d’inutilité, de régression et d’incompétence, perte de personnalité et d’estime de soi accrue, etc.).
  2. Analyser pourquoi et prendre du recul sur les choses : identifier les points bloquants/manquants à votre épanouissement.
  3. Arrêter tout de suite de culpabiliser : chacun est différent et a le droit d’être heureux comme il l’entend et arrêter de subir. La qualité de votre travail s’en ressent ? Déjà, c’est sûrement juste votre impression, vision troublée par cette fameuse culpabilité, sinon c’est que vous n’êtes pas à 100% de vos capacités car cela ne vous apporte pas satisfaction et vous épuise.
  4. Prendre une décision : vais-je faire le bon choix ? On ne saura jamais quel est le meilleur surtout si on ne fait rien ! Personne ne prendra la décision à votre place et les échecs sont toujours des leçons positives. Il est temps de mettre en place des actions pour anticiper la sortie en douceur.
  5. Trouver une méthode de réflexion qui vous corresponde et qui cadre les choses : c’était Pose ta Dem’ pour ma part. Les bilans de compétences classiques ne fonctionnent pas pour moi.
  6. Se rappeler qui l’on est – être en accord avec soi et ses valeurs et faire des points de contrôle réguliers pour être sûr qu’on est toujours raccord avec. Ajuster le cas échéant.

Si vous souhaitez soutenir Ramen tes drêches, cette reconversion insolite et un peu farfelue mais non moins sérieuse, cliquez juste ici.


 

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