Démission pour création d’entreprise : une opportunité décryptée

Avoir un projet d’entreprise qui te tient à cœur et vouloir le concrétiser, c’est stimulant. Mais il faut bien reconnaître que sauter le pas est audacieux. Alors, le faire sans un filet de sécurité, tu ne t’en sens pas capable. Tu as fait le tour de la question et tu ne vois pas comment tu pourrais conserver ton emploi en parallèle du démarrage de ta nouvelle activité ? Ton employeur a refusé ta demande de rupture conventionnelle, ou tu sais qu’il ne voudra pas te l’accorder ? Une solution s’offre à toi : la démission pour création d’entreprise. Que ce soit pour créer ou reprendre une affaire, le dispositif démissionnaire est ouvert aux salariés qui souhaitent se lancer tout en ayant droit au chômage. Je te livre mon expérience et te dis tout ce qu’il y a à savoir sur cette alternative.


Article invité rédigé par Cécile Grasset


La découverte du dispositif démissionnaire

Le dispositif démissionnaire : qu’est-ce que c’est ?

Toi non plus, tu n’en avais jamais entendu parler ? Et pourtant, il se peut que tu puisses, comme moi, en bénéficier. Issu de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel du 5 septembre 2018, il est en vigueur depuis le 1er novembre 2019. Son objectif est de permettre aux salariés en contrat à durée indéterminée, démissionnant pour poursuivre un projet professionnel, de bénéficier de l’allocation chômage d’aide au retour à l’emploi (ARE). Il concerne aussi bien les projets de reconversion nécessitant une formation, que les projets de création ou de reprise d’entreprise.Si tu es en activité et que tu veux changer de métier ou devenir ton propre employeur, c’est une option à étudier afin de mener à bien ton projet, tout en étant indemnisé par Pôle emploi. En revanche, ce dispositif ne permet pas la prise en charge du coût d’une formation. Si celle-ci t’est indispensable, il te faut utiliser ton compte personnel de formation (CPF) ou opter pour le congé de transition professionnelle. Par ailleurs, la démission pour création d’entreprise se distingue du congé du même nom, lequel permet de suspendre le contrat de travail le temps du lancement de l’initiative entrepreneuriale, mais n’ouvre pas droit à l’ARE. 

Quelles sont les conditions ?

La toute première chose à savoir est : remplis-tu les conditions pour en bénéficier ? Tu feras partie des heureux élus potentiels si tu cumules les trois conditions suivantes :

  1. Tu es salarié en contrat à durée indéterminée (CDI) de droit privé au moment de ta démission ;
  2. Pouvant justifier d’au moins cinq ans d’activité salariée continue chez un ou plusieurs employeurs ;
  3. Ayant un projet de reconversion professionnelle bien préparé et reconnu comme étant réel et sérieux.

L’association Transitions pro, présente dans chaque région, est chargée de la préparation et de la validation de ton dossier. Elle saura t’aiguiller. Mais ne te réjouis pas trop vite, les subtilités sont nombreuses ! Tu seras exclu du dispositif si tu es :

  • en CDI de droit privé, dans le secteur public, et que tu as travaillé principalement ou intégralement pour des employeurs en auto-assurance ;
  • agent de la fonction publique, titulaire ou non ;
  • travailleur indépendant ;
  • titulaire d’un CDD ou d’un contrat de travail temporaire ;
  • salarié cumulant moins de 1 300 jours travaillés sur les 60 mois précédant ta démission.

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    Un écueil à ne pas commettre

À ce stade, tu constates déjà que l’opportunité est réservée aux salariés du secteur privé qui justifient d’une durée de cotisation conséquente. Qu’en est-il vraiment ? En réalité, la condition relative à la durée d’affiliation est la première que tu dois vérifier, et plutôt deux fois qu’une ! Je prends le risque que cela paraisse idiot, mais j’insiste. Pôle emploi contrôlera, lors de ton inscription, que tu as bien été affilié au moins 1 300 jours au cours des cinq ans précédant ta démission, et ce, en continu. Cette condition est déterminante pour l’octroi de l’allocation d’aide au retour à l’emploi. Cela signifie que tu auras passé toutes les étapes de la procédure, que tu auras démissionné et terminé ton préavis. Si tu ne remplis pas la condition, il sera trop tard pour faire marche arrière. En effet, la reconnaissance du caractère réel et sérieux de ton projet n’emporte pas la validation des conditions d’octroi de l’ARE. Elle est totalement indépendante. D’ailleurs, dès le début du processus, on te fait comprendre que toute erreur de ta part s’avérera irrémédiable.

À ce propos, sache que certaines périodes sont considérées comme des suspensions de contrat exclues de l’ancienneté et qu’elles font perdre la notion de continuité au sein des cinq années. C’est le cas notamment du congé sabbatique, du congé sans solde, et de la mise à pied. Il en est de même en cas d’interruption de plus de deux jours entre deux contrats de travail. En revanche, le fait que tu aies été à temps complet ou partiel n’influe pas sur le calcul. Il existe un simulateur sur le site de Pôle emploi qui peut t’aider, mais idéalement, consulte un de leurs conseillers en amont.

La démission pour création d’entreprise : mon retour d’expérience

Sur le papier, le mécanisme est clair. Il faut :

  1. Demander un conseil en évolution professionnelle (CEP) ;
  2. Faire valider le caractère réel et sérieux du projet par une commission paritaire interprofessionnelle régionale (CPIR) ;
  3. Après validation, démissionner ;
  4. S’inscrire à Pôle emploi.

Dans la pratique, il s’avère préférable d’être attentif aux détails. Je te livre donc mes conseils en toute transparence. Le moment est venu pour toi de demander un conseil en évolution professionnelle (CEP). Le site internet dédié à la démission-reconversion te fournit les coordonnées de l’opérateur à contacter selon ta région et ta catégorie : salarié, cadre, ou en situation de handicap. Tu obtiens alors un rendez-vous avec un CEP, lequel sera le même durant toute la procédure. En fonction du nombre de demandes, le délai peut varier. Pour ma part, j’ai eu un entretien téléphonique dix jours plus tard. Attention à ne pas démissionner trop tôt ! Ton dossier ne sera pas recevable si tu démissionnes avant d’avoir eu le rendez-vous. D’ailleurs, je ne peux que te recommander d’attendre d’être sûr d’avoir la validation avant de quitter ton poste !

Au cours de cette première conversation, le CEP déblaye avec toi les grands aspects de ta demande, définit les attentes, les besoins et t’informe du déroulé. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, un seul entretien n’est pas suffisant. Le conseiller va t’aider dans la construction de ton projet en te donnant les axes, mais il est indispensable de faire un gros travail de recherche et de préparation en amont. Tu gagneras du temps pour la suite. La particularité du dispositif démissionnaire induit que ton projet soit fondé, solide financièrement, et plausible au regard du marché et de tes compétences. Pour une création d’entreprise, il m’a donc demandé un business plan détaillé sur trois ans ainsi qu’une étude de marché complète. Cette dernière requiert un travail de fond utile, mais très long lorsqu’on travaille en parallèle.

Le second entretien, un mois plus tard, a fait suite à l’envoi des documents. Il les a étudiés minutieusement et a validé le dossier afin que je puisse le soumettre à Transitions pro. Si les éléments avaient été insuffisants, il y aurait eu plusieurs autres rendez-vous, ce qui aurait rallongé d’autant le dépôt de ma demande. Plus ton dossier sera construit, plus il aura de chance d’être validé rapidement.Après dépôt, Transition pro est chargée de vérifier que le dossier est complet. Il m’a fallu attendre quinze jours pour la transmission à la commission paritaire interprofessionnelle régionale (CPIR). Étant donné que la commission se réunit une fois par mois, ma demande a donc été portée à l’ordre du jour un mois et demi après mon dépôt. Fort heureusement, la réponse de la commission est très rapide. Deux jours plus tard, j’avais mon précieux sésame ! Au total, le dispositif démissionnaire a duré trois mois.J’ai démissionné l’esprit léger et avec une furieuse envie de commencer tout de suite ! Mais bien sûr, j’avais le préavis à effectuer. L’inscription au Pôle emploi devant intervenir dans les six mois qui suivent la validation par la CPIR, la fin de contrat et les formalités subséquentes s’enchaînent rapidement. Si tu souhaites profiter de tous les avantages de ce dispositif, attends bien la fin de ton CDI, puis ton inscription et ton indemnisation validées par Pôle emploi avant d’immatriculer ton entreprise. Il ne faut pas oublier que la démission n’est pas une catégorie de rupture de contrat ouvrant normalement droit à l’ARE. Une précipitation peut te faire perdre beaucoup d’argent.Enfin, je précise que le bénéfice du dispositif démissionnaire est soumis à un suivi de Pôle emploi. Les démarches prévues dans le projet de création ou de reprise d’entreprise doivent ainsi être réalisées dans un délai de six mois après ton inscription. En cas de manquement, Pôle emploi prononcera une sanction à ton égard, ce qui pourra induire la suspension des allocations. Par ailleurs, tu devras t’actualiser mensuellement et tu seras soumis aux rendez-vous obligatoires, comme tout autre demandeur d’emploi. Les miens ont eu lieu par téléphone pour certains et en visioconférence pour d’autres.

Renoncer à son CDI pour devenir entrepreneur : quelles sont les aides ?

Les aides liées à la démission pour création d’entreprise ont un point commun : pour en bénéficier, l’inscription auprès de Pôle emploi doit intervenir avant la date de l’immatriculation de l’entreprise ou du début de l’activité.

La sécurité d’un revenu

Le but du dispositif démissionnaire est de permettre à ceux qui remplissent les conditions de bénéficier de l’allocation d’aide au retour à l’emploi (ARE). Cette aide a été déterminante dans mon choix. Mon objectif étant, bien sûr, de développer très vite mon activité et par conséquent d’en bénéficier le moins longtemps possible ! Mais il me fallait la sécurité d’un revenu minimum mensuel pour couvrir mes charges personnelles.

Le montant de l’ARE versée dépend des revenus perçus grâce à ta nouvelle activité. Ainsi, si tu ne perçois aucune rémunération, l’ARE mensuelle sera complète. À l’inverse, si ton entreprise te procure un revenu, tu le cumuleras partiellement avec l’allocation chômage. Sur la base de l’ARE mensuelle que tu aurais reçue si tu n’avais pas repris une activité, Pôle emploi va ôter 70 % de la rémunération brute mensuelle procurée par l’activité reprise. Le montant de l’ARE, ajouté au revenu issu de l’activité non salariée, est plafonné au montant de ton précédent salaire brut.

L’aide à la reprise ou à la création d’entreprise (ARCE)

Si tu n’optes pas pour le maintien partiel de l’ARE, tu peux faire le choix de percevoir l’aide à la reprise ou à la création d’entreprise (ARCE). Ta décision est irrévocable et doit être prise dès les premières semaines suivant l’inscription au Pôle emploi. Cette aide donne lieu au versement, en deux parts égales, d’un capital correspondant à 45 % de tes droits à l’ARE. Le premier paiement a lieu lorsque tu réunis toutes les conditions d’attribution, c’est-à-dire juste avant la création. Le second intervient six mois plus tard, à condition que l’activité soit toujours exercée, et sur présentation d’éléments attestant des démarches réalisées.

Cette alternative peut être intéressante si des investissements sont nécessaires au démarrage de ton activité et que tu n’as pas de financement personnel possible. Elle peut l’être également dans le cas où tu sais que l’activité générera des profits très rapidement. En revanche, les 55 % de droits restants sont définitivement perdus. Tu n’as donc plus de sécurité mensuelle en cas d’absence de chiffre d’affaires. Il est alors préférable de faire le bon calcul.

L’aide à la création ou à la reprise d’entreprise (ACRE)

L’ACRE est une aide très appréciable qui consiste en une exonération partielle des charges sociales auxquelles est soumis le créateur. Je précise qu’elle dépend des revenus tirés de la nouvelle activité et porte uniquement sur les cotisations relatives :

  • à l’assurance-maladie, maternité, invalidité, décès ;
  • aux prestations familiales ;
  • à l’assurance-vieillesse de base.

Elle est valable durant la première année, jusqu’à la fin du troisième trimestre civil qui suit celui du début d’activité. Il est ainsi préférable de commencer l’activité en début de trimestre afin de profiter des douze mois. Contrairement aux autres travailleurs indépendants, pour les micro-entrepreneurs l’attribution de cette aide n’est pas automatique. Si tu choisis ce statut, tu devras en faire la demande au moment de ton immatriculation, et au plus tard dans les 45 jours suivants.

Bien que les acronymes soient proches, ne confonds pas l’ACRE avec le nouvel accompagnement pour la création ou la reprise d’entreprise (NACRE). Ce dernier consiste en une aide au montage du projet, à la structuration financière et au démarrage de l’activité. Dans ce cas, tu signes un contrat d’engagement de trois ans avec un organisme conventionné.

Tu l’auras compris, la démission pour création d’entreprise est une opportunité intéressante, mais destinée à un public restreint et son déroulement nécessite une vigilance particulière. Elle bénéficie toutefois à de nombreux salariés chaque année. Bien préparé, ton projet verra le jour de façon sécurisante et ton épanouissement n’en sera que facilité !

⏩ Priscillia n’a pas quitté son travail, elle a choisi de cumuler deux activités ! Découvre l’interview d’une salariée freelance !

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