Jean-Guillaume : Il a créé une marque de vêtements éthiques et responsables

Après un emploi dans le secteur automobile, un voyage au Pérou et un burn-out, Jean-Guillaume a créé une marque de vêtements éthiques et responsables, Pitumarka. Dans cette interview, il nous raconte en toute sincérité ce qui l’a conduit jusqu’ici, entre un voyage initiatique au Pérou et une recherche d’emploi compliquée. Un parcours inspirant à lire et relire sans modération ! 


Bonjour Jean-Guillaume, raconte-nous ton parcours en toute transparence !

J’ai un parcours assez classique (voire cliché) de jeune ayant fait une école de commerce. Sans trop savoir ce que je veux, je me spécialise en marketing, puis dans le secteur automobile, ma passion première.

Après 3 ans en alternance, je décide de chercher un travail immédiatement sans prendre le temps de me poser et de réfléchir à ce que je veux réellement.

Je décroche pour mon 1er job un CDI à Lyon dans une start-up. J’ai un statut cadre, un salaire confortable. Je fais beaucoup d’heures mais, dans l’ensemble, j’aime ce que je fais.

Après 3 ans je décide de changer de boulot et je me fais débaucher par une autre boite lyonnaise : toujours dans le marketing automobile…

Mais c’est une grosse désillusion : l’organisation interne et la gestion des projets ne me conviennent pas, je m’ennuie, et je suis frustré de ne pas pouvoir travailler comme je le voudrais. Je ne me sens pas à ma place. Je veux partir mais comment renoncer à mon salaire confortable ? Comment rembourser mon prêt immobilier contracté 1 an avant ?

Finalement l’entreprise me coupe l’herbe sous le pied car ils mettent fin à ma période d’essai au bout de 7 mois et demi !

Un peu abasourdi mais au fond de moi complètement soulagé, je réfléchis à vite rebondir et je prends assez rapidement et spontanément la décision de partir vivre au Pérou, le pays d’origine de ma mère.

J’y reste finalement 2 années

Tu as donc passé 2 ans au Pérou, tu nous racontes ? 

On est fin 2013, je viens de « perdre » mon CDI et mon salaire à la hausse durement négocié, mais le fait de pouvoir partir au Pérou est une occasion en or que je saisis au vol. C’est finalement une super opportunité personnelle pour mieux connaître le Pérou. Après tout, je suis 50% péruvien.

Je m’organise pour un séjour « long » (dans ma tête 6 mois / 1 an max) : je vends ma voiture et loue mon appart à des potes.

Je rassure toute ma famille qui voit ce projet comme une lubie et qui ne comprend pas trop mon choix.

Sur place, je me mets immédiatement dans la recherche d’un job : je réseaute au maximum puis je trouve un travail en 3 mois dans une grosse entreprise péruvienne, dans le marketing digital.

Je reste 1 an et demi sur ce poste dans une super entreprise bienveillante avec une méthode de management centrée sur l’humain. Je me suis senti comme en famille, avec le sentiment de vraiment être utile pour l’équipe. Fin 2015, je démissionne de mon poste pour partir voyager avec mon sac sur le dos : cela faisait partie intégrante de ce projet péruvien !

En l’occurrence, visiter plus en profondeur le pays d’origine de ma mère, notamment le nord du Pérou.

La boucle est bouclée : je roadtrip pendant 3 mois et parcours presque 10000km en bus, stop, bateau, taxi collectif… Je fais des rencontres incroyables, et visite des endroits époustouflants, bien loin du tourisme de masse.

Mon meilleur souvenir : je fais la surprise et rends visite à un couple de tisseurs rencontrés 6 mois auparavant avec mon ancien travail. N’ayant aucun moyen de les joindre, je me rends dans leur village et je fini par les retrouver par hasard au détour d’une ruelle. Je suis accueilli comme un membre de la famille et je reste finalement avec eux presque 2 semaines à partager leur quotidien.

On est à 3800m d’altitude, il n’y a pas de confort, pas d’eau chaude, pas de réseau, mais ces gens sont les plus heureux du monde et je construis une amitié profonde avec eux. Une expérience inoubliable.

Comment as-tu vécu le retour en France ?

L’expérience au Pérou a été inoubliable sur le plan personnel et professionnel mais je sens fin 2015 que ma vie est en France et je décide de rentrer. La transition se fait en douceur et je suis content de revoir ma famille et mes amis. Assez rapidement je me concentre quand même sur la recherche d’un travail. Mon CV est à jour, je réactive mon réseau et j’envoie les premières candidatures.

Tu as longtemps été en recherche d’emploi à ton retour, comment as-tu vécu cette période et que conseillerais-tu aux personnes dans la même situation aujourd’hui ?

C’est exact ! Il m’aura fallu toute l’année 2016 pour retrouver un job ! Cette période n’a pas été simple sur plusieurs points.

Je pense que le plus compliqué a été de rester motivé quand on reçoit des mails de refus, ou même l’absence totale de retour sur une candidature, pendant plusieurs mois d’affilé.

Financièrement ça n’a pas été simple non plus comme tu peux t’en douter.

Quelques conseils pour les lecteurs :

  • Ne pas s’obstiner à chercher dans une seule et unique ville pendant des mois (Lyon dans mon cas).
  • Si notre situation personnelle le permet (vie de famille, mobilité géographique, etc.), il faut très rapidement s’ouvrir à toutes les opportunités : une autre ville, un autre secteur, un autre poste.
  • Attention, ça ne veut pas dire qu’il faut accepter n’importe quoi : ça a pris du temps aussi pour moi car j’ai refusé plusieurs postes avec des salaires au rabais, ou des missions pas en adéquation avec ma vision du travail.
  • Le conseil le plus important que je peux donner est de prendre rapidement du recul, bien réfléchir à ce que l’on veut pour soi : environnement de travail, type de poste, ville, etc. Et surtout essayer de choisir une entreprise et un job en adéquation avec ses valeurs… Ou alors penser à un virage à 180° et réfléchir à une reconversion. C’est le moment où jamais !
  • Pendant la période de recherche, il ne faut pas hésiter à :
    • Avoir des périodes OFF pour souffler. Se vider la tête de temps en temps avec d’autres activités.
    • Il faut voir du monde ! Ne surtout pas rester isolé. Pour la recherche de travail, on peut réseauter et rejoindre des groupes d’entraides. On peut également se rapprocher d’associations et aider des gens dans le besoin. Ça permet de prendre du recul sur sa propre situation. Par exemple, entre 2 envois de CV, j’ai retapé 2 vélos dans un atelier associatif et rénové toute la salle de bain de ma grand-mère 🙂
    • Faire un job alimentaire si c’est nécessaire ! C’est même une des meilleures décisions que j’ai pris pendant cette période. Ça m’a notamment permis de me recentrer sur ce qui importe vraiment et de prendre du recul (encore une fois !). J’ai bossé à la chaine dans une imprimerie au smic horaire après des mois de recherche et ça m’a fait un bien fou ! Et j’ai rencontré des gens vraiment admirables avec beaucoup de courage.
    • Se former ! On a du temps libre : et il existe plusieurs plateformes de formation gratuites. Openclassroom, Linkedin learning, etc. En se fixant des objectifs hebdomadaires, on peut mettre à profit le temps libre disponible pour peaufiner ses connaissances dans un domaine précis.

2 ans après avoir retrouvé un emploi, tu fais un burn-out. Comment cela s’est-il passé et que conseillerais-tu à ceux qui sont actuellement dans cette situation ? 

Effectivement. Le job en CDI trouvé début 2017 n’était pas ce que j’espérais en termes d’environnement de travail. L’ambiance était excellente entre collègues, mais les projets n’avançaient pas du tout comme je le souhaitais. Il y avait une grosse frustration personnelle de ne pouvoir implémenter ce que je voulais avec des process décisionnels longs et flous qui me faisaient cogiter nuit et jour.

Début 2019, je me retrouve aux urgences car je vois double. Je reste sur place 4 jours et fais des tests, puis je suis en arrêt 3 mois complet, dont le 1er mois à voir double.

Après cette pause forcée, je « tente » un retour à temps plein et comprends assez vite que mes yeux ne sont pas encore complétement guéris et qu’il me faut plus de temps pour la récupération.

C’est à ce moment-là que je branche le cerveau et que je me dis qu’il faut que je prenne le temps qu’il faut.

C’est vraiment le conseil le plus important que je peux donner à la communauté Pose ta Dem’ : le plus important c’est de penser à soi, la santé c’est primordial. Le bien-être au travail également.

Arrêtons de penser au projet untel qui est à l’arrêt, ou à son équipe qui hérite de travail supplémentaire… Arrêtons l’excès de conscience professionnelle au détriment de notre santé.

Il faut parfois prendre la décision de mettre sa vie sur pause et de penser à soi, de façon hyper égoïste mais hyper protectrice.

Je suis donc passé sur un mi-temps thérapeutique : avec mon travail à mi-temps le matin de 9h à 13h puis séances de rééducation avec une orthoptiste l’après-midi et du temps libre pour savoir ce que je voulais pour moi.

Si des personnes sont dans cette situation : il faut rapidement prendre du recul sur son boulot et ne penser qu’à sa guérison. La priorité absolue c’est d’aller mieux. En parallèle de ça, il faut vite réfléchir à ce qu’on veut comme travail, et préparer sa transition sans trop tarder.

Pendant ce laps de temps, j’ai écouté beaucoup de podcasts et lu des livres… ainsi que les articles de blogs de Pose ta Dem’ 😉

Comment as-tu trouvé ta nouvelle voie ?

Pendant le mi-temps thérapeutique, j’ai fait beaucoup d’introspection et j’ai pu réfléchir à un projet qui avait du sens pour moi.

Je me suis aussi rendu compte que c’est quelque chose que je n’avais pas pris le temps de faire : une dizaine d’année à bosser dans le marketing en me « laissant porter » sans avoir réellement de projet professionnel.

Il a déjà fallu que je me persuade que j’allais abandonner mon confort de salarié : les podcasts sont une super source d’inspiration pour ça !

Parallèlement à ça, j’ai su assez rapidement que je voulais travailler avec le Pérou. Je connaissais déjà la fibre d’alpaga et je me suis dit que c’était l’occasion d’en savoir plus sur une autre super fibre textile naturelle : le coton Pima péruvien. La mode éthique est venue assez naturellement en fait à force de lecture et de réflexion.

Je voulais un projet qui ait un réel impact positif, et notamment sur l’environnement et les humains alors pourquoi ne pas créer une marque de vêtements éthiques et responsables ?

Tu travaillais sur ton projet en parallèle de ton emploi, comment réussissais-tu à t’organiser ?

Ça n’a pas été simple. Surtout parce que dans mon cas, il ne fallait pas que je force trop sur les écrans.

Il faut bien organiser son temps libre et se dégager du temps le soir et les week-end. Clairement, on met en pause ses loisirs pour travailler sur son Side Project.

J’ai aussi posé quelques jours de congés pour aller à des salons et échanger avec des professionnels.

A ce stade-là, je ne savais pas encore si j’allais quitter mon emploi, mais j’ai mis toutes les chances de mon côté pour préparer une transition vers un projet qui allait devenir mon activité principale.

En quoi consistent tes activités aujourd’hui ? 

Après des mois passés à la création de la collection et la coordination pour la confection des vêtements avec mes partenaires péruviens, je viens tout juste de lancer ma marque. Je passe mon temps à communiquer et faire connaître mon projet au plus grand nombre. J’utilise mon expérience en marketing digital pour expliquer de façon transparente les valeurs de la marque, les matières utilisées, l’engagement éthique de Pitumarka, etc. J’essaie de mettre en avant le savoir-faire péruvien et l’impact social du projet grâce à nos partenaires certifiés Commerce Équitable.

En plus de la communication sur les produits, et comme je suis devenu écolo par la force des choses, j’essaie de sensibiliser au maximum sur l’impact environnemental et social négatif de l’industrie textile « fast fashion » à travers du contenu via la newsletter, les réseaux sociaux ou le blog du site web.

Comment gères-tu la transition financièrement ? 

Ce n’est pas évident non plus. J’ai pu mettre des sous de côté sur 2018 et 2019 ce qui m’a aidé à lancer mon activité. J’ai eu la chance aussi d’avoir une entreprise compréhensive avec laquelle j’ai pu négocier une rupture conventionnelle. Ça m’a permis de lancer mon projet sereinement. A titre personnel, je fais très attention à ce que je dépense mensuellement pour rester dans mon budget. J’ai également changé ma façon de consommer depuis un bon moment. Si je prends juste le poste alimentation, on a commencé un potager dans un jardin partagé, on achète du vrac, et on cuisine tous les jours.

Je pense qu’il est important de garder à l’esprit le pourquoi du changement. Ça permet de rester concentré sur ces objectifs et à faire des concessions pendant ce laps de temps.

Sur le plan professionnel, j’ai utilisé mes économies pour acheter du matériel et lancer la première collection de Pitumarka. Désormais 100% des recettes de ma nouvelle activité seront réinvesties dans ma société.

Quelles sont les difficultés d’une reconversion selon toi, et comment les dépasser ?

Avec un salaire de cadre, je pense que la principale difficulté est de sortir de sa zone de confort !

Je pense que c’est l’obstacle n°1.

A cela s’ajoute la peur de l’inconnu et notamment de l’instabilité financière.

Je pense qu’il faut bien réfléchir à ce qu’on souhaite pour soi. Il faut réfléchir à une activité épanouissante et qui permette bien sûr de payer son loyer et remplir son frigo.

Personnellement, je ne voulais plus perdre ma vie à la gagner.

Avoir un job en phase avec mes valeurs était plus important que la paie à la fin du mois.

Avoir peur c’est normal, le plus important est de bien réfléchir à son projet, bien le bosser en amont. Le fameux « reculer pour mieux sauter ».

Ensuite, il y a un moment où il faut se jeter à l’eau.

Au mieux ça marche et on réussit sa reconversion.

Au pire on se loupe, mais on apprend.

Quels conseils donnerais-tu à quelqu’un qui souhaite entamer une reconversion ?

Je l’ai évoqué plus haut : le plus important pour moi est de prendre beaucoup de recul pour trouver une activité épanouissante pour soi. Ne pas avoir peur de prendre un virage à 180°.

Pour bien préparer sa reconversion je recommande aussi de bien bosser son prévisionnel financier et ne rien oublier.

Ne pas hésiter à en discuter avec d’autres personnes : soit autour de soi avec des gens ayant déjà franchi le pas, soit directement avec un coach qui peut débloquer certains points de blocage.

Enfin dernier conseil, ne pas hésiter à investir ses économies dans une bonne formation en rapport avec sa future activité. Le meilleur investissement qu’on puisse faire c’est investir sur soi-même. 😉


Que retenir de l’expérience de Jean-Guillaume ?

  • Vous êtes en recherche d’emploi ? Soyez patient.e et essayez de rester motivé. N’hésitez pas à ouvrir votre champ des possibles et surtout prenez le temps de définir ce que vous souhaitez vraiment. 
  • Utilisez votre temps de recherche d’un nouveau job pour souffler et vous former. Nous vous oubliez pas et écoutez-vous, c’est indispensable !
  • Votre bien-être et votre santé est prioritaire, penser à soi n’est pas égoïste, c’est essentiel ! Vous êtes votre priorité, point.
  • Travailler sur son projet en parallèle d’un emploi salarié demande de l’organisation et du temps que ce soit le soir ou le week-end.

Vous pouvez retrouver Jean-Guillaume, qui a créé une marque de vêtements éthiques et responsables, sur le site de la marque, sur son blog, sur Instagram et sur Facebook.


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