Carine : Elle a créé Testunmétier.com

Directrice générale dans une entreprise en pleine croissance, Carine Celnik a tout quitté pour se reconvertir dans le coaching, puis créer son entreprise, Testunmétier. Son but ? Accompagner ses clients dans leur rêve d’une nouvelle vie professionnelle porteuse de sens. En retraçant son parcours, Carine partage ses expériences en toute sincérité et nous délivre ses conseils avisés ! 

Bonjour Carine, raconte-nous ton parcours en toute transparence ?

Après des études à la Sorbonne, une maîtrise en sciences de gestion et un DESS Marketing, je suis entrée chez Hewlett Packard comme assistante chef de produit. Une expérience enrichissante à tout point de vue qui a constitué une étape majeure de ma vie professionnelle. Je me souviens que mon maître de stage m’avait dit « Dans la vie, on fait ce qu’on veut de son job. Si on a envie de s’éclater, on s’éclate. Si on a envie de s’ennuyer, on s’ennuie. C’est toi qui décide. C’est entre tes mains. ». Cette phrase m’a profondément marquée et ne m’a pas quittée depuis !

Chez HP, j’ai travaillé à la croisée des chemins entre marketing et commercial, c’était passionnant mais j’ai quitté l’entreprise après 5 ans suite à un plan social. C’était une opportunité, j’avais 30 ans et l’argent pour partir, je n’ai pas hésité.

Très rapidement, j’ai rejoint Acxiom, une boîte de software dans la data où je suis restée presque 3 ans, jusqu’à ce que je rencontre quelqu’un qui m’a proposé de créer un site de vente privées. L’entreprise était à construire, rien n’existait : ça m’a plu et j’ai rejoint l’aventure. On a commencé à 3 en 2006, 6 ans plus tard lorsque j’ai quitté la société, j’étais directrice générale et nous étions 40. Je me suis vraiment épanouie dans ce métier. Faire de la stratégie ressemblait à un jeu, j’étais à ma place.

Pourtant, en 2012 je me suis rendue compte que je ne m’amusais plus. J’ai commencé à avoir une boule au ventre avant d’aller travailler, je n’avais plus envie d’y aller, je passais mon temps à gérer des problèmes : en résumé, je ne m’éclatais plus, alors j’ai négocié mon départ.

Avais-tu déjà des pistes pour l’avenir à ce moment-là ?

Jusqu’ici, j’avais toujours eu des opportunités et des rencontres qui m’avaient guidée mais quand j’ai annoncé mon départ, je ne savais pas du tout ce que j’avais envie de faire. En revanche, je savais ce que je ne voulais plus faire. Alors j’ai fait le bilan, je me suis posée beaucoup de questions et c’est en discutant avec une copine à Goa (en Inde) un 31 décembre que j’ai eu le déclic. Tout d’un coup, j’ai pris conscience de ce qui m’animait : accompagner les autres dans leurs projets, les aider à le faire grandir et se développer.

Après cette prise de conscience, quel a été ton cheminement ?

Etant toujours salariée, je me suis formée en coaching chez MOZAIK, avant mon départ. Ensuite, j’ai ouvert mon cabinet de coaching. J’ai adoré cette expérience. Mes clients étaient plutôt des cadres de grands groupes ou des patrons de petites boîtes. Comme j’avais souffert de la solitude dans mon poste de direction et de la difficulté de passer quotidiennement de la stratégie à l’opérationnel, je les comprenais et pouvais les aider à gagner en performance.

Malheureusement, très rapidement la réalité du marché m’a rattrapée. Il y a peu d’opportunités de travail et la plupart des coachs vivent de la formation ou du conseil en complément. Or moi, je n’étais ni consultante, ni formatrice. Ce qui m’intéressait avant tout, c’était d’accompagner mes clients afin qu’ils trouvent des solutions à leurs problématiques. C’est pour cette raison que j’ai décidé de créer Avancio, un réseau d’experts.

Tu as quitté un job de directrice pour créer ta boîte, cela n’a pas été trop difficile de s’adapter au changement ?

Je suis passée d’une vie où je gérais 200 mails par jour à… rien. Je me suis mise à douter et à avoir peur aussi. Quand tu décides de partir, cela peut-être pour une multitude de raisons différentes, mais beaucoup le font parce qu’ils ont des opportunités à côté. Dans mon cas, c’était l’inconnu, et pour être honnête, c’était un peu effrayant au début, je me sentais seule au monde. Et en même temps, j’étais portée par le plaisir du travail, l’envie de sentir que je pouvais le faire. Il faut également faire avec l’angoisse de son entourage qui ne sont pas toujours les personnes les plus rassurantes. En règle générale, il ne s’agit pas de la famille, mais davantage des gens que l’on côtoie au quotidien : il y a ceux qui disent « super » et ceux qui te jugent même s’ils ne te le disent pas.

Ça a été le plus dur, j’étais convaincue d’avoir envie de faire autre chose, mais il faut bien être conscient que ce grain de folie doit être assumé pleinement par la suite. Il ne faut pas non plus oublier que dans la société dans laquelle on vit, la première question que l’on te pose dans le cadre de ta vie sociale c’est : « tu fais quoi dans la vie ? » Soyons honnête : être directrice et être seule dans son canap’ à monter une boite, ce n’est pas tout à fait le même statut ! Créer un autre réseau constitué de gens qui n’étaient plus dans le “j’en ai marre de ce boulot” mais plutôt dans le “j’ai envie de”, m’a beaucoup aidé.  

Et donc j’ai changé de vie. Je me suis aussi séparée du père de mes enfants. J’avais envie d’éclore, de bouger, de changer… et un changement sans incidence, ce n’est pas possible. Cela n’a pas été facile mais j’ai fini par accepter ce mouvement car je l’avais voulu, et maintenant qu’il était là, je devais en faire quelque chose.

Comment a évolué ton projet par la suite ?

Lors d’une session de formation sur l’estime de soi, j’ai eu un second déclic. Une jeune fille m’a expliqué qu’elle quittait sa boite à cause d’un plan social pour ouvrir un garage. J’avoue avoir été un peu interloquée ! Je lui ai demandé comment elle pouvait monter un garage et mettre toutes ses économies dedans sans jamais avoir essayé. J’étais angoissée pour elle ! Elle m’a confirmé qu’elle allait se lancer dans l’aventure. A ce moment-là, quelque chose a changé en moi. Cela me semblait fou qu’elle soit prête à tout investir dans un projet sans avoir essayé et en même temps, elle ne s’encombrait pas de « et si ça marche pas » et si et si et si.

J’ai beaucoup réfléchi et je me suis dit que malgré l’importante offre existante sur la recherche de voie professionnelle, l‘accompagnement, le bilan de carrière, le coaching… il n’y avait finalement rien de concret ! On se lance dans des études ou dans un changement de vie professionnelle sans avoir testé, sans savoir si cela nous conviendra vraiment. Et, c’est comme ça qu’est née l’idée de Testunmétier.

La notion de test, je l’ai expérimentée toute ma vie. Quand je ne sais pas, j’essaie, c’est un de mes principes. Par exemple, j’ai appris à masser car j’ai eu envie d’être kiné. Une semaine dans un salon de massage thaï m’en a dissuadée. Expérimenter est indispensable pour savoir ce qui nous plaît ! Testunmétier est donc né de mon expérience de manager, de ma connaissance de l’entreprise, de mon expérience de coach, et de ma croyance que c’est en expérimentant que l’on apprend ce qui nous correspond.

Explique-nous en quoi consiste Testunmétier (même si le nom est assez révélateur !)

Le but est de vivre la vie de quelqu’un d’autre, de s’immerger complètement dans son univers professionnel quelques jours ou semaines pour échanger et partager sur un métier qui vous fait rêver. L’idée est vraiment de tester un métier en totale immersion. Le tuteur accueille la personne qui se questionne sur sa vie professionnelle transmet, aide et accompagne. Il s’agit un peu de mentorat, les tuteurs  vont partager leurs succès, leurs échecs et conseiller.

Raconte-nous les étapes de la création de Testunmétier ?

Je me suis lancée seule. En mai 2016 j’ai lancé un premier site, et le premier stage en immersion s’est fait en décembre 2016. A partir du moment où j’ai su que j’allais passer à la télévision, j’ai fait un vrai site internet et tout s’est accéléré.

En juin 2017 j’étais au JT de 20h de TF1, sur Capital de M6 et France 3. Mon ambition était de proposer à tous ceux qui souhaitent changer de job, de tester une nouvelle vie pour ne pas en arriver au burn-out ou au bore-out et s’en inquiéter trop tard… Très rapidement, j’ai compris que quand on souhaite tester un métier, on veut pouvoir le faire à proximité de chez soi. Il y avait donc un critère géographique primordial à prendre en compte. J’ai décidé de garder l’aspect coaching (écoute, questionnement) sur le désir de changement de voie, et en fonction de cela, j’ai ajouté la possibilité de tester un job en totale immersion. Je tente de trouver le tuteur à proximité qui va accueillir la personne en demande, partout en France, sur n’importe quel métier. J’ai passé beaucoup de temps à modéliser le projet, écrire les textes…

J’ai ouvert en B2C, et en parallèle en B2B. Je ne me suis fermé aucune porte même si on me conseillait  de me spécialiser sur une zone géographique en particulier, de cibler un seul métier etc. J’aurai pu ne parler qu’aux femmes ou me spécialiser dans des métiers tels que boulanger, pâtissier, fleuriste comme me le conseillait FONGECIF. Je suis très contente d’être restée sur mon idée car aujourd’hui les stages se font sur des métiers très variés et sur l’ensemble de la France !

Qui sont tes clients aujourd’hui ?

J’accompagne beaucoup de quadragénaires qui se posent des questions, mais il y a aussi des jeunes, qui veulent tester un métier avant de s’engager dans 5 ans d’études en formation initiale à seulement 18 ans. Il y a également des entreprises qui font appels à mes services, particulièrement les entreprises concernées par  des métiers en destruction comme caissières ou chauffeurs routiers. Ces sociétés achètent des stages pour les collaborateurs. Généralement, ce sont des packs qui contiennent des stages d’une durée 5 à 7 jours pour leurs salariés qui subissent le plan social ou le plan de départ volontaire. Cela permet de valoriser la marque employeur des entreprises soucieuses de leurs salariés.

Ton entreprise est-elle considérée et reconnue par l’état comme un organisme de formation ?

Aujourd’hui les gens qui m’appellent s’autofinancent. Mon but, c’est justement que les instances publiques financent ce type d’initiative. A l’heure actuelle, je n’ai pas accès au CPF mais j’y travaille. En revanche, je suis référencée sur DataDock et la DIRECCTE. Le CEP (Conseil en Evolution Pro) par exemple n’est proposé que par Pôle Emploi et autres OPCA et OPACIF. J’espère que dans les nouvelles réformes, les instances privées pourront être identifiées comme CEP. Si c’est le cas, je pourrais proposer ma plateforme au grand public et à des gens à qui cela pourrait être utile.

Aujourd’hui, combien êtes-vous chez Testunmétier?

J’ai toujours trouvé très compliqué de chercher un co-fondateur, car c’est très délicat de faire entrer quelqu’un dans une entreprise qui est comme ton bébé, et en même temps j’ai besoin d’une équipe. Je travaille avec des freelances prestataires. J’ai une personne qui s’occupe de la relation client avec moi et une personne qui travaille sur la communication. Je pourrais faire les choses seule, je suis très généraliste mais j’ai besoin de m’entourer d’experts. Il y a aussi un business developer qui travaille avec moi sur le B2B. Enfin, je suis accompagné par un chef de projet qui m’a aidé sur le RGPD, la gestion des données etc.

Tu as deux enfants, nés en 2002 et 2005, comment ont-ils vécu ton évolution professionnelle ?

Je ne pense pas que nos enfants doivent être un frein dans notre façon de vivre, j’ai toujours inclus mes enfants dans ma vie sans la changer radicalement. Par contre, j’ai fait des concessions : plus de téléphone après 20h et on dîne ensemble par exemple.  Ils ont totalement suivi mon évolution et mes créations de boîte. Je dirais même qu’ils ont entièrement participé à cette évolution puisque je testais avec eux les exercices de coaching. Je pense que cela n’a pu être que bénéfique pour eux de voir une mère épanouie professionnellement avec l’envie de créer et de changer le monde.

Quelles sont les principales difficultés de l’entrepreneuriat selon toi ?

La solitude peut vraiment être pesante et paradoxalement lorsque l’on crée une entreprise, il faut accepter d’en être la figure représentative et par conséquent accepter d’être dans la lumière et d’être sollicitée.

Pour finir, quels conseils donnerais-tu à quelqu’un qui souhaite entreprendre ?

Se faire confiance, s’écouter et croire en soi me semblent être le plus important. On ne peut pas tout contrôler, il faut se faire confiance et lâcher prise. A titre personnel, j’ai été portée par quelque chose de plus grand que moi. Il faut accepter d’avoir envie de faire les choses différemment des autres et parfois le changement réside simplement dans un détail, un petit pas de côté et tout peut être différent. Pour autant, il est essentiel d’être animé par son projet, c’est une condition sine qua non.  La création d’entreprise est un parcours, mais pas un parcours du combattant ! Pour moi chaque petit caillou est une opportunité pour progresser, pour questionner le projet, s’améliorer, se repositionner. Chaque rencontre, chaque critique, est une occasion pour se remettre en question; si tu n’as pas cette capacité d’autocritique, la création d’entreprise risque de ne pas être évidente.


Que retenir de l’expérience de Carine ?

  • Ne pas hésiter à ré-orienter sa vie professionnelle plusieurs fois pour trouver sa voie ; le but n’est pas de réussir du premier coup, mais de donner du sens, découvrir sa vocation.
  • Toujours être prêt à assumer ses choix auprès de son entourage et de ses proches.
  • S’entourer de gens positifs dans le même état d’esprit est essentiel.
  • Être conscient que les choix de vie professionnelle peuvent avoir des conséquences/incidences sur votre vie personnelle.
  • Si vous ne savez pas vraiment dans quels métiers vous reconvertir, n’hésitez pas à tester, essayer, expérimenter
  • Entrepreneure et maman, c’est possible ! 
  • Devenir entrepreneur, c’est incarner son entreprise. Mieux vaut donc être prêt à être en permanence sur le devant de la scène
  • N’ayez pas peur de penser différemment, de faire les choses autrement ou d’avoir un point de vue divergent. C’est votre force.  

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