Nathalie : Coach UX freelance après 15 ans de salariat

Nathalie est coach UX freelance depuis 2017 (l’UX ou User Experience est l’expérience utilisateur globale vécue par une personne suite à une interaction – par exemple, face à un site ou une application dans le digital). Au cours des 15 années passées en entreprise et en cabinet de conseil, elle a été frustrée de ne pas se consacrer pleinement à sa passion pour l’UX. Du coup, elle a décidé de créer son propre métier ! Elle raconte ici son parcours, depuis la négociation de sa rupture conventionnelle jusqu’à ses premiers clients.

Bonjour Nathalie, raconte-nous ton parcours en toute transparence !

J’ai obtenu un master e-Business en 2002 et c’est pendant ce master que découvert l’ergonomie. Juste avant de rentrer en Master, j’avais eu l’occasion de travailler dans une startup. J’ai vécu le boom Internet, avec des sites qui poussaient comme des champignons parce que ça devenait à la mode. Mais il ne suffit pas de faire un site : il faut qu’il soit efficace et que l’utilisateur ait une expérience positive. J‘ai démarré ma carrière chez Renault, où dès le début j’ai pu mettre en application ce que j’avais appris à l’école… mais à l’époque personne ne savait ce qu’était l’ergonomie ! Je savais ce que je voulais faire, mais il fallait prêcher la bonne parole et expliquer l’intérêt de créer une bonne expérience utilisateur.

Après Renault, je suis rentrée chez PSA où je suis restée plus de 3 ans. J’avais négocié avec mon responsable la création et le développement d’une cellule UX et j’ai pu gérer des projets très intéressants. Puis l’entreprise a proposé des aides au départ, donc j’en ai profité même si ça n’a pas été facile de quitter mon poste et l’équipe. J’ai rejoint le milieu du conseil qui était très enrichissant car il faut comprendre rapidement le contexte et apporter des solutions efficaces dans des univers très différents. Mais là aussi, il était compliqué pour moi de faire de l’ergonomie à 100% dans mon poste car l’intérêt n’était pas toujours compris et le budget souvent absent. Alors au bout de 6 ans, j’ai de nouveau posé ma dem’ pour rejoindre un autre cabinet qui voulait monter une cellule UX, mais ce n’était toujours pas assez pour moi, donc rebelote, démission… 

Et après cela, j’ai trouvé ce que je cherchais depuis tant d’années. J’ai intégré le groupe Saint-Gobain en tant que responsable UX. Je pouvais enfin faire tout ce que j’aimais, c’était la consécration pour moi ! J’ai rejoint un projet passionnant : la transformation digitale d’un outil de vente (qui lors de mon arrivée ressemblait à un minitel !). Il a fallu concevoir les écrans pour qu’ils soient le plus intuitifs possibles pour que les vendeurs restent performants. Je suis allée sur le terrain, j’ai pu interviewer les utilisateurs, faire de l’observation et confronter la réalité du terrain au idées de l’équipe de conception… Mais au bout d’un moment, j’étais tiraillée : j’alternais des interventions valorisantes et enrichissantes (rencontres avec les utilisateurs, tests utilisateurs, formation de plusieurs collaborateurs, audits en ergonomie sur d’autres applications, etc.), et d’autres moins intéressantes et moins enrichissantes. Je me suis posée et j’ai réfléchi à ce que je voulais vraiment : comment continuer à exercer ma profession (et ma passion) mais différemment ?

J’ai mis mon CV en ligne, et le patron d’un de mes anciens cabinets m’a contactée pour me proposer de revenir. Mais je me suis dit : “Si j’y retourne alors que j’en suis partie, ce n’est pas pour refaire la même chose. Si je reviens, c’est pour faire de l’UX à 100%”J’ai ouvert un PowerPoint et j’ai imaginé l’offre qui me faisait vibrer, dans laquelle je me définissais comme coach UX. Résultat, j’avais une offre toute packagée avec le poste de mes rêves ! Il a trouvé ça super, mais il a refusé : “Je ne vais pas être en mesure de te proposer que de l’ergonomie”.

Et là, un ami me dit : “Pourquoi tu ne te mets pas à ton compte ?”. Spontanément, je dis non ! “Tu ne te rends pas compte, je dois payer mon loyer, rembourser mon crédit immobilier… C’est trop risqué”. Mais comme j’étais dans une phase de développement personnel, je regardais beaucoup de vidéos pour apprendre à se dépasser, affronter ses peurs, sortir de sa zone de confort… et ça a fait son chemin dans ma tête. Je suis passée de “hors de question” à “pourquoi pas”. Après tout, j’avais 15 ans d’expérience, une vraie expertise et un très bon réseau.

Je me suis dit, si je ne le fais pas aujourd’hui, quand est-ce que je vais le faire ? Si j’attends 10 ans ce sera peut-être trop tard.

Lors d’un weekend à Londres, je suis passée devant un coffee shop avec une ardoise sur laquelle il était écrit “N’ayez pas peur du changement, vous allez probablement perdre quelque chose de bien, mais vous allez certainement gagner quelque chose de meilleur”. Et là, ça a été le déclic. Je suis rentrée dans le café et je leur dit : “merci, vous venez de changer ma vie !” C’est ça qui m’a décidée à sauter le pas !

En revenant au travail le lundi, je suis allée voir ma responsable et je lui ai annoncé que je partais. Ça peut sembler être un claquage de dem’ sur un coup de tête. Mais en réalité, tout était mûrement réfléchi. Foncer, oui, mais il est indispensable de réfléchir avant au risque d’échouer.

Quelle était ta plus grande peur à l’idée de te lancer ?

Le risque financier, avec la question existentielle : est-ce que je vais pouvoir rembourser mon crédit immobilier ? J’ai passé ma carrière à mettre de l’argent de côté pour un jour avoir la liberté de claquer la porte si ça n’allait pas. Jusqu’ici, toutes les démissions que j’avais posées étaient à une condition : un CDI derrière. Donc ces 15 années où j’ai mis de côté, c’était pour ce grand saut là. En ayant des économies, on accepte davantage que les choses prennent du temps et on s’acharne encore plus pour réussir.

Lors de mon départ de Saint-Gobain, j’ai négocié une rupture conventionnelle. J’ai expliqué clairement que l’ergonomie était ma passion mais que je voulais la vivre différemment, et que pour cela j’avais un projet professionnel d’accompagnement et de coaching UX en tant qu’indépendante. J’ai aussi expliqué que je prenais un risque car la plupart des freelances sont des UX designers et moi je suis coach UX. Je ne fais pas d’interventions UX traditionnelles, j’ai une approche différente pour répondre à des besoins qui sont pour le moment peu comblés. Ce choix de positionnement est osé et n’est pas facile.

Grâce à cela, j’ai eu la chance que mon employeur me soutienne et accepte la rupture conventionnelle. Il est nécessaire de faire les choses en bonne intelligence. J’ai proposé d’aider à trouver ma remplaçante, à la former et à mettre en place toutes les actions nécessaires pour que le projet soit bien mené, même après mon départ. En faisant les choses proprement, j’ai obtenu ce coup de pouce de leur part.

Raconte-nous le démarrage de ton activité d’indépendante et comment tu as trouvé tes premiers clients ?

Avant de me lancer, je suis allée à un meetup “C’est décidé, à la rentrée je passe indépendant !”. Ça m’a permis de rencontrer des freelances, et de voir que les gens y arrivent, donc ça m’a rassurée.

J’ai démarré en novembre 2017. J’ai commencé par envoyer des e-mails personnalisés à mon réseau sur LinkedIn. C’était aussi l’occasion de reprendre contact, de faire des déjeuners avec des gens que je n’avais pas vus depuis longtemps… Au bout de 3 semaines, j’ai eu mon premier client : un ancien collègue de la startup où j’étais stagiaire en 2000. Il était en train de refaire son site et il s’est dit que mon aide en ergonomie serait utile. Voilà comment j’ai démarré !

Et très rapidement, j’ai eu un deuxième client via Shapr. On a matché et il venait de démarrer dans un nouveau poste. Quelques jours plus tard, il m’a recontactée car il avait besoin d’un expert en UX de manière ponctuelle. J’ai accepté et j’ai gagné la mission face à des agences de conseil !

Les clients suivants sont arrivés par le bouche à oreille. Un client m’a commandé une mission de coaching pour apprendre à faire des maquettes et à utiliser un outil de prototypage. A l’issue de cette journée de coaching, cette entreprise m’a proposé de refaire du coaching pour apprendre à faire des tests utilisateurs. Donc la raison pour laquelle j’ai choisi de me mettre à mon compte a payé. Ça a mis plus de temps que prévu, c’était un peu long à mon goût, mais ça a fini par arriver !

Comment as-tu vécu ces premiers mois ?

Avant de me mettre en freelance, j’avais des tonnes de coups de fil pour des postes en CDI. C’est ce qui m’a donné confiance pour me lancer : plein de gens veulent de l’UX, pas de souci ! Mais quand j’ai lancé mon site, mon téléphone n’a pas sonné comme je m’y attendais. Ça a été une grosse déception. Je suis convaincue que mon positionnement répond à de vrais besoins, mais il est avant-gardiste donc je vais devoir prêcher la bonne parole, comme je l’ai fait il y a 15 ans.

Honnêtement, je suis tombée de haut. Les trois premières semaines, j’ai envoyé 800 mails. J’ai eu de tout : mail lu sur LinkedIn mais pas de réponse, ceux qui me félicitent pour l’audace et m’encouragent, ceux qui trouvent ça bien mais n’ont pas de besoin pour le moment, et ceux qui transfèrent à leur réseau. C’est une question de timing : il faut arriver au moment où les gens en ont besoin.

Qu’est-ce qui te fait tenir malgré les hauts et les bas ?

Je me réveille à 5h tous les matins. Entre 5h et 6h, j’émerge, je me fais mon thé, j’allume mon PC… Et de 6h à 7h je fais du sport (vélo elliptique) et je travaille en même temps. J’ai trouvé un système pour accrocher mon ordinateur au vélo, ce qui me permet de faire du cardio en faisant travailler mes jambes et d’avancer sur mes différents projets en même temps ! Ce qui est génial, c’est que ça développe ma créativité car j’ai énormément d’idées qui me viennent en faisant du sport.

Ensuite, je ne me morfonds pas en attendant que le téléphone sonne. J’ai pleins de projets enrichissants qui font que mon cerveau est toujours actif. En plus, ces projets me permettent de rencontrer de nouvelles personnes et de parler de mon activité par la même occasion. Enfin, via Shapr je rencontre de nouvelles personnes très intéressantes. Ce qui compte c’est d’avoir la niaque, car être freelance c’est compliqué. Si c’était facile ça se saurait ! Ensuite, sortir de chez soi. Rencontrer des gens et ne rien lâcher.

Etre entrepreneur, ça s’apprend ?

Dans mon parcours, j’ai toujours été une entrepreneuse dans l’âme. Mon blocage était l’aspect financier. J’ai réalisé une vingtaine de projets en parallèle de mon job : festivals de danse, soirées mensuelles de danse, flash mobs… Il faut mettre en place une chorégraphie, aller voir les écoles, fédérer autour de cette cause, créer le site, organiser les inscriptions… C’est une vraie petite entreprise mais il n’y a pas d’impact financier personnel !

Tous ces petits projets personnels de création d’expériences me servent aujourd’hui. Je sais convaincre des gens, gérer le commercial… Je suis convaincue qu’il est important d’avoir des « side projects » pour s’enrichir et développer ses compétences. Aujourd’hui je ne serais pas coach UX freelance si je n’avais pas eu ces projets personnels dans mon parcours. Car dans les faits, j’importe dans ma vie professionnelle les qualités développées dans les projets personnels.

Quel statut juridique as-tu choisi ?

Les freelances que j’ai rencontrés m’ont orientée vers la SASU, alors c’est ce que j’ai choisi. L’avantage d’une SASU est de pouvoir déduire les dépenses et les passer en charges, contrairement au statut micro-entrepreneur. De plus, le statut de micro-entreprise est limité en termes de chiffre d’affaires. Or mon objectif est de dépasser ce plafond ! Mais le revers de la médaille avec la SASU, c’est l’imposition.

Quels sont tes conseils à ceux qui songent à se lancer en freelance ?

On entend souvent qu’il faut avoir un plan B mais je ne suis pas d’accord. J’ai compris ça grâce à une vidéo super inspirante de Steve Abdelkarim qu’il dit qu’il ne faut pas avoir de plan B. Dans l’Art de la Guerre, Sun Tsu explique : si vous laissez une porte de sortie, vous perdez. S’il n’y pas de porte de sortie, vous aurez l’énergie du désespoir. C’est ce qui donne une niaque de dingue pour survivre et s’en sortir ! Même si j’ai eu un premier client avec une belle mission longue, sincèrement, c’est difficile. Si je m’étais dit “ce n’est pas grave, si au bout de 3 mois ça ne marche pas, je retrouve un CDI”… j’aurais déjà abandonné.

J’ai décidé que ça marcherait coûte que coûte donc je n’ai pas de stratégie de retrait.

Du coup, il faut bien préparer son plan. Avant de me lancer, j’ai fait un énorme benchmark. J’ai rencontré des freelances pour leur demander leur parcours et leur retour d’expérience, je ne me suis pas lancée n’importe comment. Chacun m’a donné ses conseils, et j’ai fait ma propre synthèse de leurs feedbacks. J’ai aussi pris le temps nécessaire pour observer le marché et comprendre les besoins auxquels je souhaitais répondre.

Enfin, communiquer auprès de son réseau est indispensable. Le réseau c’est comme une amitié, ça se construit et ça s’entretient au fil des années, et ça ne peut fonctionner que si c’est sincère.

Pour en savoir plus sur ce que fait Nathalie, c’est par ici !


Que retenir de l’expérience de Nathalie ?

  • Créer son propre métier en freelance pour réussir à exercer sa passion
  • Négocier sa rupture conventionnelle en expliquant clairement son projet entrepreneurial et en proposant d’aider pour le remplacement
  • Pour trouver des clients au démarrage
    • Réactiver son réseau
    • Utiliser l’application Shapr
    • Faire fonctionner le bouche à oreille !
  • Les “sides projects” sont une excellente source d’apprentissage et permettent de diversifier ses activités
  • Ne pas avoir de plan B (ou stratégie de retrait) pour avoir une détermination sans faille malgré les moments difficiles
  • Bien se préparer en amont : étudier son marché, rencontrer des freelances et communiquer auprès de son réseau

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