Florent : ingénieur, il a pris une année sabbatique et est devenu écrivain

Ingénieur de formation, Florent Catanzaro a décidé de faire de l’écriture son métier après avoir pris une année sabbatique pour découvrir l’Amérique du Sud. Dans cette interview, il nous raconte avec beaucoup de sincérité et de transparence comment il a appris à affirmer ses envies, comment est né son livre et quelles leçons il a tirées de cette année. Si vous aussi, prendre une année sabbatique vous fait rêver, aucun doute, l’expérience de Florent vous sera très utile … et multipliera par 10 votre envie de partir voyager pendant un an ! 


Bonjour Florent, raconte-nous ton parcours en toute transparence !

Tout a commencé pour moi le dimanche 13 septembre 1987  à  7h25 après une nuit bien agitée, dans la clinique Baie des Anges de Cagnes-sur-Mer… Bon, je ne vais peut-être pas rentrer dans tous les détails depuis ma naissance, mais il me semble tout de même important de préciser que dès ma tendre enfance, j’ai eu la chance de beaucoup voyager, que ce soit avec mes parents en France ou à l’étranger, ou bien avec mes grands-parents en camping-car. Ce n’était pas toujours très éloigné de ma région natale, mais aussi loin que je me souvienne, ce sentiment de dépaysement me procurait déjà quelque chose de très agréable.

Mais à l’époque, je ne rêvais pas encore d’une année sabbatique. L’idée est véritablement apparue pendant les classes préparatoires. Avec mes deux meilleurs amis, nous avions besoin de rêver plus grand pour tenir le coup durant nos études. Un vendredi soir à la veille d’un devoir surveillé de maths, l’idée a surgi de partir faire un tour du monde, pendant un an. On ne savait pas encore quand, ni comment, mais cela venait de germer dans nos esprits et ne nous a plus jamais quitté.

Par la suite, je suis allé tout seul à l’autre bout de la France pour commencer mes études d’ingénieur à Nancy. Et lorsque mon école d’alors, l’ENSEM (École Nationale Supérieur d’Électricité et de Mécanique), a proposé un échange universitaire d’un semestre au Brésil, j’ai tout de suite sauté sur l’occasion. À 21 ans, c’était donc ma première expérience de vie à l’étranger. En rentrant en France pour finaliser mes études, je savais déjà que j’allais repartir, plus loin et plus longtemps encore, il ne me restait plus qu’à mettre un peu d’argent de côté. Et pour cela, j’ai donc commencé à travailler…

Comment as-tu annoncé ton départ à ton employeur et quelle a été sa réaction ?

Lorsque je me suis présenté face à mon employeur, cela faisait à peine plus d’un an que j’étais en CDI dans l’entreprise, il aurait donc eu tous les droits de me dire non. En effet, d’un point de vue légal, il faut avoir plus de 5 ans d’expérience dans l’entreprise, et être à sa deuxième demande en moins de 6 mois pour que l’employeur ne puisse refuser, ce qui était loin d’être mon cas.

J’’imaginais donc qu’il allait me dire de me taire et de retourner au boulot… Je dois même avouer que j’étais mort de trouille à l’idée de demander cela à mon premier chef. Mais au-delà de la peur, je me suis présenté plus déterminé que jamais, car j’avais une volonté incroyable de voyager et d’explorer le monde. Alors j’ai pris mon courage à deux mains et j’y suis allé sans trop me poser de questions. Et il n’a pas pu me le refuser ! Enfin, j’exagère peut-être un tout petit peu parce que j’ai surtout eu un énorme coup de pouce du destin : à l’époque, le secteur de l’énergie dans lequel je travaillais était en crise et l’entreprise voyait donc d’un bon œil de laisser partir, pendant un an, un employé qu’elle avait déjà formé pour le retrouver ensuite, plutôt que de le mettre au chômage technique (ce qui était annoncé). Et tout était donc bouclé après une réunion informelle de moins d’une heure.

En somme, je n’ai pas véritablement de conseils particuliers à donner, déjà parce que je n’aime pas donner de conseils, mais parce que j’ai tout bonnement eu l’impression de suivre mes envies… Finalement, peut-être que c’est ça le plus important : on devrait toujours oser affirmer ses idées !

Et puis aussi, ne pas craindre de demander ce que l’on désire, car si l’on ne demande rien, on n’aura jamais rien.

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In fine, en pesant le pour et le contre, il était assez facile de réaliser ce que j’avais à perdre ou à gagner en osant me présenter devant mon employeur : rien à perdre (il n’allait pas me licencier pour ça et n’avait pas de raison de mal le prendre) et tout à gagner ! Donc j’ai foncé, et c’est peut-être ça le seul conseil que je vais oser formuler : foncer pour réaliser ses rêves dans la vie !

Comment as-tu planifié cette année sabbatique et quel a été ton itinéraire ?

Ah, là on aborde un thème assez délicat… La planification, ce n’était pas vraiment notre fort, à mes deux compagnons de voyage et moi ! On a bien essayé pourtant, mais comment prévoir tout notre itinéraire pendant un an ? Impossible, ça allait être beaucoup trop limitant. On voulait se laisser la possibilité de tout changer du jour au lendemain si ça n’allait pas, ou de rester longtemps dans un endroit où l’on se sentait bien.

En fait, la planification a surtout été pour nous de choisir la date de départ et celle de retour, ainsi que le continent à visiter. Et là, notre choix s’est très vite orienté vers l’Amérique du Sud, avec un départ le plus tôt et un retour le plus tard !

Pour le reste (et notamment la réservation des auberges ou l’itinéraire à suivre), on a tout improvisé sur place ! Limiter la planification pour limiter les prises de tête et laisser la part belle à l’inconnu, c’était plutôt ça notre credo.

Trois hommes allongés sur une route

Comment as-tu vécu le passage de la vie de salarié avec des horaires et des contraintes à une vie complètement différente avec des voyages ?

Voilà une question beaucoup moins délicate ! Comme on peut s’en douter, retrouver sa liberté n’est pas un sentiment très compliqué à laisser éclore de nouveau, d’autant plus qu’on avait choisi de passer un an à voyager pour assumer nos envies (on ne subissait pas une décision après un licenciement, par exemple). Se libérer de toutes ces contraintes, que ce soit les contraintes de temps, de stress, mais aussi les contraintes matérielles (on ne voyageait pas avec grand-chose) était tout simplement jouissif. Le bonheur dans la simplicité. Je me demande si l’être humain est vraiment fait pour s’imposer autant de contraintes au quotidien…

D’ailleurs, je me permets dans mon livre, Oser prendre une année sabbatique, de réaliser quelques analyses sociétales, en abordant mon point de vue et justement en laissant s’exprimer l’épanouissement et la plénitude que j’ai pu ressentir en étant chaque jour plus connecté à mes amis, à d’autres civilisations, à la nature environnante… Bref, au monde dans sa globalité. C’est vrai, je n’ai jamais été aussi heureux, aussi productif ou aussi créatif que lorsque je ressentais la liberté totale.

Et à l’inverse comment as-tu vécu le retour à la vie de salarié ?

Pour le retour, aussi bizarre que cela puisse paraître, j’avais vraiment envie de reprendre le travail ! Je crois qu’après un an à n’avoir pensé qu’à moi et à mes envies, je voulais redonner un nouveau sens à ma vie, un sens plus profond encore en construisant quelque chose d’utile, pour moi et pour mon futur, bien sûr, mais aussi pour les autres, apporter quelque chose à la société… Sauf que très vite, j’ai déchanté !

Le fait d’avoir pris un an de recul m’a permis d’arriver avec un œil nouveau sur mon ancien travail, et j’ai réalisé toute la vacuité de ce que je pouvais accomplir au quotidien ! J’avais beau avoir fait de hautes études et occuper un poste relativement bien placé dans une grande entreprise qui se prétendait être un fleuron de l’industrie française, il ne servait à rien de me voiler la face : je n’étais qu’un pion parmi tant d’autres. Mon travail n’était ni compliqué ni excitant, tout le monde, ou presque, aurait pu faire pareil avec un peu de formation. Grosse désillusion, je dois avouer que j’ai pris un coup derrière la tête parce que je ne m’attendais pas à ça, pas tout de suite, peut-être que j’étais encore un peu trop naïf… Mais entre-temps, j’avais surtout appris à rebondir très vite en cas de coup et je savais ce que je voulais, c’est ça le principal enseignement de cette année sabbatique : apprendre à affirmer mes envies.

Alors, très vite, cette envie de créer quelque chose et d’apporter ma pierre à l’édifice sociétale sans rentrer dans un moule s’est matérialisée par l’écriture…

Comment as-tu eu l’idée d’écrire un livre sur ton année sabbatique ?

Je ne vais pas raconter une magnifique histoire dans laquelle je dirais que j’avais toujours rêvé d’écrire un livre… Non, je crois même qu’avant mes 25 ans et cette perte de repère et de sens dans la société dans laquelle je venais de retourner, je n’avais jamais osé imaginer que je puisse publier un livre. Scientifique de formation, je ne pensais pas pouvoir être littéraire, parce que c’est un peu ce qu’on nous fait croire parfois, alors on se met à gober ce qu’on nous dit. Tout de même, j’avais toujours aimé les livres, mais quand j’ai commencé à écrire, c’était uniquement pour moi, pour garder un héritage que je ne voulais pas perdre. Jamais, je n’aurais cru possible de réussir à accomplir cette tâche qui semblait irréalisable au début : écrire un livre…

Avant celui-là, j’avais déjà publié un premier livre, qui retraçait les aventures et mésaventures professionnelles de ma mère aide-soignante à domicile, en abordant cela sur le ton de l’humour (Aventures & Mésaventures d’une aide-soignante à domicile, publié aux éditions Jourdan PixL). Ma mère, qui était aide-soignante depuis plus de 30 ans, m’a transmis beaucoup de confiance et d’amour à travers ses anecdotes. Elle avait la passion, et même si le métier est assez peu reconnu du point de vue de la société, elle ne cherchait pas la gloire, elle cherchait juste à faire son job avec amour. Cela faisait déjà deux ans que j’écrivais tous les jours, et lorsque ce premier ouvrage est sorti, il était évident pour moi que j’allais continuer à écrire. Une passion était née, je n’allais pas la laisser de côté comme ça !

J’ai alors repris les notes rédigées pendant l’année sabbatique, un petit carnet de voyage que j’avais tenu à l’époque sans trop savoir pourquoi. J’ai remis au propre un moment très particulier de notre aventure, lorsqu’on est parti 5 semaines à vélo à la traversée de la Patagonie. Puis, j’ai raconté le reste, l’avant et l’après ce moment-là, car il était marrant de constater combien cette immersion totale en pleine nature avait pu nous changer. On a beaucoup grandi et évolué pendant ce voyage, forcément ! Et surtout, j’ai également voulu ajouter la partie « guide pratique », car beaucoup de mes connaissances me demandaient comment on pouvait partir en année sabbatique à 25 ans, et surtout comment on pouvait en revenir. J’ai donc voulu aborder en détail ces deux parties-là, parce que la préparation de départ est au moins aussi importante que le retour ! Et je me rends compte que c’est bien vrai, car toutes les questions auxquelles j’ai répondu jusqu’ici dans cette interview (origine de l’idée, rencontre avec mes amis, planification, entretien face à mon chef, puis le retour à la vie « normale ») sont abordées et développées dans le livre.

Quelles difficultés as-tu rencontrées ?

J’ai beau réfléchir, je ne vois pas vraiment de difficultés, que ce soit pendant le voyage, ou bien pendant l’écriture. Évidemment qu’il y a eu certains moments de doute pendant le voyage, quelques engueulades (mais pas tant que ça) ou bien des sensations de ne plus trop avancer. Mais j’aime plutôt voir les choses du côté positif et vraiment, sans chercher à me voiler la face, je dirai que chaque moment nous a fait grandir en tant qu’homme.

Peut-être que le plus dur a été lorsque j’ai voulu arrêter tout travail salarié pour me lancer dans l’écriture. La pression sociétale et le jugement des autres empêchent très souvent de sortir d’un moule. Pour parler crûment, on est très souvent considéré comme un glandeur si l’on n’est pas assis dans un bureau entouré d’autres personnes inutiles à respecter des horaires fixes… Mais bon, j’avais déjà été confronté à cela une première fois en partant en année sabbatique et je savais que ma volonté et ma force d’action allaient me permettre de dépasser ces jugements, en expliquant clairement à mon entourage la mission que je m’étais fixée à travers l’écriture.

Quelles leçons tires-tu de cette expérience ?

Alors là, les leçons sont incroyables. Tout d’abord, ça m’a permis d’acquérir une autonomie et une faculté d’adaptation assez gigantesque. Je dirais que je peux presque m’adapter à tout et que je ne crains pas grand-chose : le plus dur est de réussir à changer son quotidien pour la première fois, le refaire devient tout de suite beaucoup plus aisé. Et cela nous apprend à affirmer nos décisions, nos envies, ce que l’on souhaite dans notre vie et cela devient forcément bienfaisant pour le futur.

Sans spoiler la fin de mon livre, je peux dire que cette expérience est réellement positive.

Même si, actuellement, j’ai arrêté tout travail salarié pour me consacrer pleinement à l’écriture, lorsque j’ai cherché un nouveau job quelques mois après mon retour, je parlais toujours de cette année sabbatique, c’était même quelque chose que je mettais en avant dans mon CV.

Et pour cause, quelle entreprise ne rêverait pas d’avoir dans ses rangs, un employé qui a l’autonomie et l’énergie nécessaire pour aller au bout de ses idées, qui parle plusieurs langues et qui peut affronter n’importe quel problème se présentant face à lui en ayant confiance en ses capacités de le résoudre…

Que conseillerais-tu à quelqu’un qui souhaite prendre une année sabbatique mais n’a pas encore osé franchir le pas ?

Fonce ! Arrête de réfléchir, il n’y a absolument rien à perdre !

Ou peut-être non, il y a quand même quelques questions à se poser avant.

Pourquoi partir, est-ce une fuite d’un quotidien morose ou un désir d’aventure ? Car l’idée n’est pas de ramener tous ses problèmes avec soi à l’autre bout du monde. Alors peut-être qu’avant de partir, il faut réfléchir sur ses raisons profondes, la fuite n’est pas toujours la meilleure solution…

Mais sinon, si l’on a le désir véritable à l’intérieur de soi, qu’est-ce qui nous empêche réellement d’agir ? Est-ce qu’on doit simplement s’arrêter aux jugements et aux pressions sociétales ? Est-ce qu’une carrière est plus importante que le fait de se construire en tant qu’Homme ? Pour ma part, je ne pense pas mais encore une fois, chacun peut avoir un avis divergeant sur ce point.


Que retenir de l’expérience de Florent ?

  • Qui ne demande rien n’a rien : il faut oser demander son année sabbatique pour l’obtenir !
  • Se demander ce que l’on a perdre et à gagner permet de prendre du recul et de se lancer plus facilement.
  • La pression sociale ne doit pas vous empêcher de réaliser vos rêves.
  • Faire une année sabbatique ne doit pas servir à fuir ses problèmes.
  • Dans la vie, il faut foncer pour réaliser ses rêves ! 

 

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