Manue : Elle a fondé une marque de cosmétique naturelle après avoir été Product manager

Après des études en finance et avoir été Product Manager freelance, Manue a fondé Menaka, une marque de cosmétique naturelle et huiles essentielles de Madagascar. Dans cette interview, elle nous parle de freelancing, de trouver une idée de projet et de comment le financer. Bonne lecture !


Bonjour Manue, raconte-nous ton parcours en toute transparence !

J’ai commencé mes études par une licence de Maths Financières en France puis un Master de Finance en Italie. A la fin de mes études j’ai trouvé un stage dans une entreprise qui accompagnait des start-up sociales dans leur développement digital. Je souhaitais me former sur le terrain à l’entrepreneuriat social puis me diriger vers l’investissement responsable.

Mon stage fini, j’ai envoyé quelques candidatures auprès de fonds d’investissement, sans grande conviction. En ayant mis un pied dans l’univers entrepreneurial, j’ai réalisé que de nombreux métiers pouvaient s’exercer en freelance. Pourquoi pas le mien ?

Au départ, je me suis inscrite sur des sites de freelance afin de proposer des prestations de rédaction de business plans et montage de dossiers de financement. Au bout de quelques mois, j’ai décroché deux missions qui m’occupaient à plein temps.

D’une part, j’étais Product Manager pour une start-up dans la santé connectée. J’ai participé au lancement d’une application mobile permettant de générer automatiquement des recettes d’aromathérapie. D’autre part, j’intervenais dans un incubateur. J’ai accompagné des projets entrepreneuriaux dans leur développement stratégique, financier et digital.

Début 2019, les projets sur lesquels j’étais se terminaient. Il fallait que je décide :  poursuivre ces missions avec des responsabilités croissantes ? Chercher de nouveaux clients ?

A force de découvrir des projets entrepreneuriaux, j’ai eu envie de lancer le mien. J’ai donc arrêté le freelancing pour me consacrer à temps plein à mon propre projet.

J’ai alors créé Menaka, une marque de cosmétique naturelle et huiles essentielles de Madagascar, sur laquelle je travaille maintenant à temps plein. Menaka propose une gamme de produits naturels purs, vendus en France en e-commerce. Je souhaite internaliser la production à Madagascar sur un terrain de ma famille, tout en y développant la biodiversité.

Tu étais freelance, quels sont pour toi les avantages et les inconvénients du freelancing ?

Le gros avantage d’être freelance, c’était d’être riche ! Riche, le mot est vite dit, car ça n’a duré que quelques mois. Mais disons que je gagnais bien ma vie. Je travaillais 5 jours par semaine et je ne payais que 5% de charge en tant qu’auto-entrepreneure. J’étais payée environ 175€ / jour, ce qui est très peu sur le marché, mais représentait un salaire supérieur à ce que j’aurais pu espérer dans le salariat !

J’aime également le fait qu’il y ait de la place pour tous les profils en freelance. Je n’étais ni graphiste ni développeuse, pourtant j’ai réussi à trouver des missions qui correspondaient à mes compétences. Mes missions m’ont permis de me former et gagner en expérience dans des domaines auxquels je n’aurais pas eu accès par la voie du salariat. Aujourd’hui, je me sentirais apte à prendre une mission de Product Manager pour un lancement produit, alors que j’ai un diplôme de finance.

Le gros inconvénient, c’est la fausse liberté. Au final, la relation d’un freelance avec son client ressemble à celle d’un salarié avec sa hiérarchie. Tu fais le boulot, on te dit si c’est bien ou pas bien, et puis quelqu’un d’autre prend la décision finale. Un freelance a beaucoup moins de responsabilités qu’un entrepreneur. Ça a ses avantages et ses inconvénients ! L’indépendance est une de mes valeurs et elle a probablement contribué à me faire bifurquer vers l’entrepreneuriat.

Comment as-tu trouvé ton idée entrepreneuriale ?

Mon idée d’entreprise est venue d’un cheminement personnel. Comme beaucoup de personnes de notre génération, je me suis questionnée sur l’impact écologique et social de ma consommation. J’ai lu le livre “La famille Zéro Déchet” et ça a été un véritable déclic. J’ai réalisé que, grâce au fait-maison, on pouvait réinventer complètement notre manière de consommer. Et maîtriser bien mieux notre impact.

Je me suis alors mise à fabriquer plein de trucs moi-même. Des meubles, des cosmétiques, des soins santé, des produits d’entretien … En décomposant les choses du quotidien, j’ai pris l’habitude de me demander d’où venaient les produits que j’utilisais.

En me mettant au fait-maison, j’ai découvert les huiles essentielles. Ce sont des produits obtenus en distillant des plantes à la vapeur d’eau. C’est tellement concret, par rapport à un cosmétique qui contient 58 ingrédients écrits en latin en caractère 5. Rapidement, je n’ai plus pu me passer d’elles. A chaque fois que quelqu’un me disait “ J’ai un problème de …” je répondais “Il y a une huile essentielle pour ça”. J’étais un peu lourde et obsédée. Passionnée, quoi.

J’avais remarqué que la plupart des huiles essentielles que je trouvais étaient d’origine Madagascar, le pays de mon père. Au hasard d’une conversation, il m’a parlé du terrain familial que nous avions là-bas. Solennellement, il m’a annoncé que ses enfants devaient prendre leurs responsabilités vis-à-vis de ce terrain et s’investir dans des projets à Madagascar. Alors, presque pour rigoler, j’ai répondu “On a qu’à faire pousser des huiles essentielles !”. Quelques mois après cette discussion, mes missions en freelance se sont arrêtées.

L’idée de faire quelque chose autour des huiles essentielles de Madagascar s’était petit à petit imposée à moi. Dès qu’elle m’a traversé l’esprit, j’ai créé un compte Instagram pour suivre des comptes d’aromathérapie et de cosmétique Do-It-Yourself. J’étais impressionnée par la quantité (et la qualité !) de tout ce que je découvrais.

Face à l’essor des box cosmétiques, j’ai eu l’idée de créer une box mensuelle d’huiles essentielles pour réaliser des recettes de cosmétique maison. L’objectif était de faire découvrir aux clients, mois par mois, quelques nouvelles huiles essentielles, en leur donnant tous les usages possibles. Comme ils ne recevaient que 3 huiles par mois, ils avaient le temps de découvrir tous leurs bienfaits et de s’habituer à les utiliser régulièrement.

J’ai fait fonctionner les abonnements pendant 3 mois, puis j’ai réalisé que le Business Model clochait. Chaque mois, il fallait trouver de nouveaux produits et créer du nouveau contenu. Si j’avais voulu construire une boîte à forte croissance, qui investit beaucoup et fait de gros volumes, ça aurait pu fonctionner. Mais ce n’était pas du tout ma vision.

En janvier 2020, j’ai donc intégré l’incubateur La Ruche à St-Germain-en-Laye afin de reprendre ma stratégie de zéro. Avec le programme d’incubation, j’ai pu peaufiner mon idée et créer un modèle plus aligné avec mes valeurs : simplicité, minimalisme, indépendance. Je souhaite proposer des produits à l’unité et en coffret, sans abonnement. Je me focalise sur une petite gamme de produits issus des plantes de Madagascar.

En quoi consistent tes activités aujourd’hui et quels sont tes projets/tes rêves ?

Ce que j’adore dans mon projet, c’est qu’il est plein de variété.

Je m’inspire des méthodologies “Lean” et “agiles” afin de développer mes produits en fonction des besoins de mes clients. Au quotidien, je crée des recettes cosmétique, les teste, les améliore. Je contacte les clients pour faire des entretiens, leur envoyer des prototypes et leur faire tester les recettes.

J’ai adopté une stratégie de marketing de contenu. Je publie régulièrement des articles de blogs et vidéos sur YouTube, à propos de la cosmétique naturelle. Je souhaite utiliser le référencement naturel comme canal d’acquisition principal. Autrement dit, si ma cliente idéale se pose une question (par exemple “Comment réussir mon bain d’huile”), je fais en sorte qu’elle découvre Menaka via un article de blog ou une vidéo YouTube sur le sujet. Et qu’ensuite, elle apprécie tant le contenu qu’elle ait envie de tout lire / regarder !

Le marketing de contenu demande énormément de temps. J’apprends plein de choses à ce sujet et j’adore me former. Je parle de sujets qui me passionnent, donc j’y prends toujours beaucoup de plaisir. Mais il y aussi d’autres sujets qui requièrent mon attention, c’est pourquoi j’envisage de déléguer une partie de ma communication.

Ces autres sujets, c’est par exemple la logistique. J’ai ma propre marque, je ne fais pas de revente. Il y a donc tout à gérer : sélectionner des fournisseurs engagés, choisir des packaging écologiques, concevoir les étiquettes, conditionner les produits, gérer le stock et les livraisons…

Ensuite, il y a la gestion des cultures à Madagascar. Heureusement, pour ça, mon oncle travaille avec moi, sur place. Nous essayons de faire de faire changer les choses au niveau agricole (permaculture, agroforesterie, reforestation) et cela prend beaucoup de temps et d’énergie.

Ton activité te permet-elle de vivre ?

Pour le moment, mon activité ne me permet pas du tout de vivre. Je n’ai pas vraiment commencé à faire de ventes. J’ai eu quelques revenus la première année, que j’ai directement réinvestis pour l’entreprise et pour tester d’autres choses.

J’ai très peu investi d’argent personnel dans mon entreprise jusqu’ici. Je ne voulais pas faire de stock sur des produits dont je n’étais pas sûre qu’ils répondaient précisément au besoin client. Aujourd’hui, après 5 mois d’incubation, j’ai une vision claire de la gamme que je souhaite créer. Elle répond à un besoin que j’ai identifié sur le marché et est alignée avec mes valeurs.

Je vais lancer la gamme par un crowdfunding, au mois de novembre 2020. Je pré-vendrai 3 produits phares de la gamme. Une fois les contreparties livrées, je créerai ma e-boutique et lancerai les nouveaux produits de la gamme au fur et à mesure. A partir de ce moment, l’entreprise sera susceptible de dégager assez de revenus pour me faire vivre.

La clé pour moi, c’est de rester flexible. J’ai des compétences que je peux proposer en freelance pour gagner de quoi vivre rapidement. Pour le moment, j’ai décidé de consacrer mon temps et mes économies à mon projet. Quand ça ne sera plus viable, je pourrai dédier une partie de mon temps à des missions en freelance. En plus, j’aurai gagné en expérience grâce à mon aventure entrepreneuriale !

Quelles difficultés et quelles joies, as-tu rencontrées en te lançant dans l’entrepreneuriat ?

J’ai vécu un grand moment de doute, lors de mon voyage à Madagascar l’année dernière. Je m’y étais rendue pour explorer le terrain et décider des cultures que nous allions mettre en place.

Sur place, je me suis sentie complètement submergée. Je me renseignais sur la culture de plantes aromatiques, la permaculture, la reforestation, la production artisanale, etc. Que des sujets auxquels je ne connaissais RIEN. Pour ne rien gâcher, je gérais les abonnements aux box à distance et j’essayais désespérément d’apprendre le malgache.

A un moment, je me suis sentie très seule. J’avais l’impression de ne pas avoir les compétences, que je n’allais pas y arriver et que personne ne voulait m’aider. J’avais envie de tout arrêter, du moins la partie production à Madagascar. Je me suis dit, tant pis, je vais faire une banale marque de cosmétique naturelle qui sous-traite sa production, comme il y en a déjà tant.

Et puis j’ai eu un déclic grâce à une randonnée dans la réserve de Lokobe, sur l’île de Nosy Be. La réserve comporte une grande colline forestière qui se termine en une zone sèche et déforestée. Elle ressemble beaucoup à notre terrain, à l’échelle x20 ! Les animaux profitent librement de la forêt, il est interdit de les toucher ou leur donner à manger. J’ai pu croiser des lémuriens et serpents dans leur habitat naturel (ce qui est très rare dans la région), me faisant toute discrète pour pouvoir les observer.

A mi-chemin de ma randonnée, j’ai réalisé que c’était magnifique. Mais surtout, c’était le seul endroit touristique de Nosy Be qui respectait vraiment la biodiversité locale. Il y avait un autre endroit à Madagascar où l’on pouvait faire quelque chose d’aussi bien : notre terrain.

J’avais les moyens de faire quelque chose qui allait dans ce sens : faire perdurer la flore locale et créer un habitat pour la faune. Et pourquoi pas, un jour, en faire un lieu de tourisme éthique où une jeune femme comme moi pourraient randonner paisiblement. Je l’ai pris comme une responsabilité : ne rien faire, c’était contribuer à dégrader le pays de mes origines. Ce n’était plus une option.

J’ai vécu cette prise de responsabilité comme un véritable soulagement. Je n’avais plus le choix et donc plus de questions à me poser. Je n’avais plus qu’à passer à l’action et faire du mieux que je pouvais.

Que conseillerais-tu à quelqu’un qui veut franchir le cap de se lancer dans l’entrepreneuriat mais n’a pas encore osé franchir le pas ?

Pour moi, pour se lancer dans l’entrepreneuriat, il faut absolument suivre sa passion. Une passion, ce n’est pas forcément un métier ou un talent précis (“chanter”, “dessiner”, “enseigner”, “créer des sites web”). Ca peut être quelque chose de plus subtil, un mix de plein de choses qui vous intéressent. Dans l’entrepreneuriat, certains parlent de leur “pourquoi” ou encore leur “mission”.

Ma passion, ce n’est pas la cosmétique. Ce n’est pas le fait de soigner par les plantes. Ou que sais-je encore qui pourrait “résumer” mon activité. Ma passion, c’est de reconnecter ce qu’on met sur et dans son corps à sa provenance dans la nature. C’est comprendre ce qui se passe entre une graine qui pousse et une crème qui détruit un bouton d’acné. C’est apprendre à préserver au maximum ce que l’on trouve dans la nature, tel qu’on le trouve, tout en répondant à nos besoins d’êtres humains.

Au départ, je pensais être passionnée par les huiles essentielles. Au final, les huiles végétales, les poudres de plantes et tout autre extrait de plante m’intéressent aussi beaucoup. C’est pour ça que j’ai fait évoluer la gamme dans cette direction. Si j’avais été passionnée de thérapie ou développement personnel, j’aurais fait évoluer l’entreprise dans une direction totalement différente.

Mon conseil serait d’abord de trouver sa passion. Pour cela, il faut nourrir votre cerveau des choses qui vous intéressent. Livres, blogs, podcasts, vidéos YouTube et même réseaux sociaux… on est servi en contenu de qualité aujourd’hui, pourvu qu’on fasse l’effort de le consommer de façon active. Creusez les sujets, découvrez ce que font les autres, restez ouverts et critiques : les idées fuseront.

Une fois une idée trouvée, il faut la tester. A ce stade, je ne parle pas de tests consommateur. Juste de vous. Baignez dans votre sujet. Vous aimez écrire ? Écrivez : des nouvelles, des articles, des pages de vente. Vous aimez faire de vos mains ? Fabriquez des choses, retapez, peignez, gravez … L’avantage, c’est que tout ça peut être fait tant que vous êtes encore en poste, sans vous mettre dans une position financière à risque.

Pourquoi trouver sa passion ? Simplement parce que ça simplifie tout. Il faut poser votre dem’ ? Plus facile, quand c’est pour vivre de votre passion. Vos proches vous disent que c’est une mauvaise idée ? Que votre passion est une mauvaise idée ? Peut-être qu’ils méritent que vous les mettez en sourdine pendant une petite semaine…

L’entrepreneuriat est un long chemin tortueux et semé d’embûches. Mais quand on est porté par sa passion, on arrive à surmonter maintes épreuves. Et la résilience est la clé du succès de l’entrepreneur.

Pour résumer mon conseil : prenez un peu de temps pour vous connaître vraiment, et vous verrez, vous serez invincible.


Que retenir de l’expérience de Manue ?

  • Le freelancing ne convient pas à tout le monde : il a ses avantages et ses inconvénients !
  • Réfléchissez à la manière dont vous souhaitez financer votre projet et essayez d’anticiper les obstacles.
  • Un problème ? Prenez du recul ! Laissez-vous le temps de réfléchir et de vous ressourcer 🙂
  • Trouvez votre passion ! Et comme le dit si bien Manue : ce n’est pas nécessairement une chose, cela peut-être un mix de plein d’activités qui vous rendent heureux.se. l’objectif est de trouver VOTRE fil rouge.

Vous pouvez retrouver Manue, qui a fondé une marque de cosmétique naturelle, sur son site Internet, sur LinkedIn, sur Instagram et sur YouTube.

Si vous souhaitez participer au crowdfunding de Manue, c’est par ici.


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