Nicolas Nolf : Passionné par les chiens, il en a fait son métier après avoir quitté la fonction publique

Nicolas Nolf a quitté la fonction publique pour rejoindre le secteur privé. Passionné par les chiens, il a ensuite décidé de fonder Atavik, “une marque créée par un propriétaire d’animaux, pour les propriétaires d’animaux.” Dans cette interview, il raconte son départ du secteur public, la formation qu’il a suivie, et donne de très bons conseils à ceux qui souhaitent se lancer mais n’ont pas encore osé franchir le pas ! 


Bonjour Nicolas, raconte-nous ton parcours en toute transparence !

J’ai commencé ma carrière comme prof agrégé d’anglais. J’ai enseigné un peu dans le secondaire, puis dans l’enseignement supérieur en civilisation américaine notamment. Parallèlement à cela, j’ai une passion pour les chiens, la compétition et l’élevage depuis 1995.

Il y a une douzaine d’années, j’ai eu l’occasion de rejoindre le secteur économique des animaux de compagnie. Dans deux entreprises tout d’abord, une française, puis une américaine. Fin 2011, un licenciement économique combiné à la perspective de devenir papa, m’ont poussé à créer ma propre entreprise. Avec mon épouse nous avons créé une marque de petfood ultra qualitative, Atavik. Nous sommes aujourd’hui 12 salariés.

Comment s’est passé ton départ de la fonction publique ?

Commençons par dire que ma femme travaillait déjà dans le privé, que j’ai toujours été très stimulé partout ce qu’elle m’en racontait, et que je suis quelqu’un de très curieux.

Alors que je donnais régulièrement des cours en école de commerce (EDHEC), j’ai rencontré en 2006 un dirigeant de société dans le secteur de l’animalerie. Ma connaissance du chien semblait beaucoup l’intéresser. Moi qui avais l’habitude de barber tout le monde avec ça les dimanches midi, j’avais en face de moi quelqu’un à qui c’était directement utile. J’ai commencé par lui donner quelques points de vue sur des produits, des enseignes, la psychologie des propriétaires d’animaux. De fil en aiguille il m’a proposé de rejoindre sa société, en 2007.

J’ai su qu’à l’Education Nationale je pouvais bénéficier d’une mise en disponibilité pour un an renouvelable, sans solde évidemment, pour entreprendre un projet personnel. En gros, je perdais mon poste et mon salaire, mais je conservais mon grade et mon ancienneté. J’avais donc un éventuel filet de sécurité si le privé ne marchait pas. Je n’ai donc pas réfléchi plus de 24 heures.

J’ai pensé, sans enfants à l’époque, qu’on n’a qu’une vie et que si on peut travailler dans un domaine qui nous passionne, c’est une vraie chance.

J’ai renouvelé la « mise en dispo » chaque année pendant 6 ans (j’avais droit à 10 ans maximum). Mais dans la 7ème année, on m’a indiqué qu’elle ne me serait plus accordée parce que l’Education Nationale manquait de profs d’anglais. On m’a dit « soit vous revenez, soit on vous raye des cadres. » J’ai rédigé ma demande de radiation dans la minute suivante. Hors de question pour moi d’y retourner. C’est comme ça que j’ai quitté la fonction publique.

Comment tes proches ont-il réagi ?

Ma femme m’a tout de suite totalement soutenu ! Elle me répétait depuis des années que je serais très bien dans le secteur privé. Elle savait aussi à quel point j’étais passionné par le secteur animalier et n’a pas douté une seconde du fait que j’allais m’y éclater.

Mes parents ont toujours eu pour politique de soutenir les choix de leurs enfants, du moment qu’ils sont réfléchis. Je leur ai expliqué que c’était un risque limité grâce à la mise en dispo. J’avais 32 ans et donc passé l’âge de demander l’autorisation à mes parents, mais il est vrai que sans un soutien familial large, les choix un peu radicaux sont souvent difficiles à maintenir. S’entendre répéter à tous les repas de famille qu’on va se planter ou qu’on fait prendre des risques à son entourage, ça ne serait pas supportable très longtemps.

Je pense que mes parents avaient peur pour moi, malgré mes explications. Mais ils ont aussi eu l’intelligence de ne pas trop me le montrer. Aujourd’hui encore, je sais qu’ils ne peuvent pas s’empêcher d’être un peu inquiets. Je ne viens pas d’un background d’entrepreneurs. Je suis le premier dans ma famille à monter un tel truc. Et maintenant que j’ai des enfants, je comprends aussi qu’à la seconde où ils sont là (et même plusieurs mois avant !) on ne se cesse jamais de s’inquiéter pour eux.

Mes sœurs m’ont regardé faire d’un œil amusé, je pense. Elles savent que je retombe toujours sur mes pattes et que je ne fais rien sans avoir réfléchi.

Nicolas avec son chien dans la neige

Quelle formation as-tu suivie après ton départ ?

En même temps que mon passage vers le secteur privé, je suis retourné à l’école. Executive MBA à l’EDHEC. Un vieux réflexe de bon élève ! Quand on aborde de nouveaux sujets, on cherche d’abord à se former. Comme j’enseignais régulièrement dans ce programme, je le connaissais bien et je suis juste passé de l’autre côté du bureau. Cela m’a permis d’avoir une bonne base sur les différents domaines de la gestion, et de côtoyer des dizaines de salariés du secteur privé, cadres expérimentés, des gens en reconversion, d’autres avec un projet de création ou de reprise. Ce fut très riche en échanges !

Tu as ensuite découvert le monde de l’entreprise, puis tu as décidé de monter la tienne, pourquoi ?

Effectivement après avoir quitté la fonction publique, j’ai enchaîné deux jobs dans le secteur privé : société française (2 ans), puis groupe américain (2 ans), avec beaucoup de déplacements à la clé et des missions passionnantes. Et puis octobre 2011, sur 3 jours de temps : licenciement économique et ma femme est enceinte de jumeaux.

Un vrai déclic pour nous : nous avons pris la décision de créer notre entreprise, une marque de petfood. On s’est basé sur deux décennies d’expérience avec nos chiens et on s’est lancé. Dans son job précédent, ma femme était Responsable Marketing. Moi, j’étais Responsable Grands Comptes Internationaux pour 9 pays d’Europe. Avec ma perspective des enfants à naître, le plus important pour nous était d’avoir une meilleure maîtrise de notre temps.

Fini de me faire envoyer en déplacement n’importe où, n’importe quand sans pouvoir rien dire. Fini aussi de devoir jouer les petits jeux politiques dans l’entreprise : plaire à celui-ci, ne pas trop remettre en cause les idées de celui-là, jouer des coudes pour garder son « importance » dans une structure… quelle « importance » de toute façon ? Quand on voit avec quelle facilité on peut se faire remercier du jour au lendemain après avoir bossé comme un dingue… je n’avais pas du tout envie de retourner là-dedans. L’entrepreneuriat m’a donc permis de vivre l’entreprise autrement.

Aujourd’hui tu es entrepreneur, en quoi consiste ton activité exactement ?

Mon activité principale, c’est Atavik, notre marque de petfood haut-de-gamme. Sans céréales et exclusivement à base de viandes fraîches et poisson frais. On détermine les concepts et les recettes, et on fait fabriquer dans des ateliers spécialisés. Aujourd’hui c’est une entreprise de 12 personnes en emplois directs, auxquelles s’ajoutent environ une demi-douzaine en indirect (logistique et accueil téléphonique). Je travaille avec ma femme. On vend partout en Europe francophone, par un réseau de 160 points de vente et par notre propre site marchand.

Ma famille étant binationale et bilingue (franco-finlandais) nous avons décidé il y a quelque temps de scolariser nos enfants en Finlande. Je partage donc mon temps entre la France et la Finlande.

Il n’y a pas vraiment de journée type en ce qui me concerne. En tant que dirigeant d’entreprise on est concerné par les 360 degrés de ce qui peut toucher l’entreprise, surtout en PME. L’imprévu fait partie du quotidien. Je peux donc aussi bien travailler sur du contenu vidéo pour expliquer un sujet de nutrition, ou bosser sur des sujets de logistique, de management de l’équipe, de finance, de développement de nouvelles gammes… Ça peut aussi consister à monter dans un avion pour aller visiter un site de production, assister à un colloque professionnel ou y prendre la parole. C’est extrêmement varié. Quand je suis au bureau en France, j’enchaîne les rendez-vous que ce soit avec mon équipe ou l’extérieur. Ce sont des journées marathon.

Quand je suis en Finlande, les journées n’ont pas le même découpage, mais là non plus, pas de journée type. Souvent, je profite de l’heure de décalage avec la France pour commencer par un peu de sport ou une promenade longue avec mon chien. La nature est partout ici.

Quoi qu’il en soit, on amène et on va chercher les enfants à l’école à tour de rôle. C’est un moment auquel je tiens. On prend tous nos petits déj et repas du soir ensemble. Et je ne travaille plus après 19h. La soirée est consacrée à la famille. Je ne travaille pas non plus le week-end. Je l’ai fait les premières années parce qu’il fallait tout faire nous-mêmes. Mais aujourd’hui on a une équipe, et je sais qu’il est important de faire des coupures.

J’ai aussi ouvert mon propre site, il y a un an. J’y publie des vidéos, articles et podcasts destinés aux chefs d’entreprise qui veulent prendre du recul, mieux organiser leur équipe et améliorer leur équilibre vie pro / vie perso. C’est super important pour moi de réfléchir sans cesse à ma pratique, et tant mieux si cela peut rendre service à d’autres. Je commence donc aussi à faire de l’inspirational speaking et de l’accompagnement de dirigeants.

Je n’ai plus jamais l’impression de travailler en fait. La plupart de mes tâches me passionnent.

Quelles ont été les étapes de la création de ton activité ?

Pour créer l’activité petfood, j’ai commencé par rechercher un site de fabrication capable de faire les recettes que j’avais en tête. Cela m’a permis de commencer à situer mes futurs tarifs et marges, pour imaginer ensuite la distribution que j’allais adopter. Puis de faire le tour du marketing et de la communication à mettre en place autour. Tout en projetant différentes hypothèses sur le nombre de clients qu’on aurait, leur taux de fidélité, etc. Beaucoup de calculs alambiqués !

Tout ça a fait les contours d’un business plan et d’un prévisionnel financier. C’est un exercice un peu artificiel, mais il faut en passer par là pour bien prendre conscience de ce qui nous attend et des différentes conséquences si l’on prend du retard sur l’objectif, ou de l’avance. Ensuite est venue la levée de fonds en rapport avec ça. Et enfin, l’immatriculation de la société. Cela a représenté un an de travail préparatoire, financé de notre poche.

On a choisi de s’installer en Ruche d’Entreprises, pour ne pas être complètement isolés et bénéficier d’installations professionnelles crédibles et à bas coût. Nous sommes restés environ 4 ans en Ruche, avant d’opter pour des locaux plus grands parce que l’équipe grandissait.

Homme sur une scène qui parle

Comment as-tu obtenu tes premiers clients ?

On a eu un peu de presse locale à nos débuts, qui a apporté quelques clients. Le bouche-à-oreille s’est mis en place, car plus de 80% de nos clients voyaient des améliorations sur l’état de leur animal en moins de 4 semaines. On a toujours su aussi se montrer hyper-réactifs aux demandes des clients. On ne compte plus les fois où l’on nous a dit « ce qui est bien avec vous, c’est que quand on vous pose une question, vous nous répondez ».

C’est bête, mais c’est la clé de tout : montrer sa passion, son intérêt sincère pour le problème du client, lui témoigner de la reconnaissance… et lui montrer l’envers du décor. Aujourd’hui tellement de gens veulent consommer des choses plus authentiques et savoir à qui ils sont en train d’acheter ! On est une entreprise familiale, nos animaux sont les premiers à consommer nos produits, on a un quart de siècle de cynophilie derrière nous. On ne s’est pas mis à faire du petfood par hasard ou parce que « y a un marché » comme on l’entend sans arrêt. Nous sommes là avant tout parce qu’on en avait marre de ne pas trouver le bon petfood pour nos propres animaux. Au lieu de s’en plaindre, on l’a créé et on y travaille tous les jours. Il y a 200% de sincérité dans cette démarche.

Ton activité te permet-elle de vivre ?

La première année, on a vendu 60k€ de produits. Cinq fois moins que l’objectif, dur ! Les premières années je n’ai pas hésité à prendre un job à temps partiel à côté, pour retarder le plus possible le moment de prendre un salaire sur mon entreprise. J’ai ainsi été professeur associé à La Sorbonne, j’enseignais le marketing, les ressources humaines et la négociation en Licence et Master Commerce International chaque lundi à Paris.

Ensuite les choses se sont accélérées. 5 ans plus tard, on vient de finir 2018 avec 3,3M€ de ventes. L’entreprise est rentable depuis 2015. Nous en vivons désormais au même niveau que dans nos derniers jobs. Avec en prime, tellement plus d’indépendance et de fun.

Et l’on continue d’être émerveillés tous les jours quand nos clients témoignent de ce qu’on a fait pour leur animal et nous en remercient. Ce sont des compliments qui nous touchent toujours profondément car c’est vraiment LA raison d’être d’Atavik. On aurait pu choisir plein d’autres domaines, alors cela fait plaisir d’être reconnus dans celui-là.

Quelles difficultés as-tu rencontrées ?

Les difficultés qu’on rencontre en chemin sont multiples. La principale est que ça bouge tout le temps.

Chaque personne qu’on ajoute à l’équipe apporte son lot de changements. Chaque nouveau produit qu’on sort, chaque nouveau fournisseur qu’on incorpore, amènent leurs opportunités et leurs challenges. Les concurrents font bouger les lignes aussi. Les coups bas sont légion. On doit composer aussi avec l’état d’esprit parfois fluctuant chez les gens : actualité anxiogène, grogne sociale, méfiance exacerbée… Les gens ont souvent du mal à croire qu’on est sincèrement bien intentionnés et ouverts, c’est incroyable parfois ! Les réseaux sociaux changent tout aussi, pour le meilleur comme pour le pire.

Que conseillerais-tu à quelqu’un qui souhaite se lancer dans l’entrepreneuriat  ?

Pour entreprendre dans ce contexte, il faut une bonne capacité à voir de près et de loin en même temps. J’appelle ça les verres progressifs ! Dans la même seconde il faut avoir en tête à la fois l’obstacle qu’on a sous les yeux, ce qui se trouve 3 virages plus loin, et ce qui se trouve à l’horizon voire au-delà. Quand on regarde constamment de trop près on manque de vision, et si l’on passe son temps dans la vision on exécute tellement mal les détails du jour qu’on n’est plus là le lendemain. Il faut pouvoir faire les deux, en permanence.

Il faut aimer la gymnastique intellectuelle. On peut traiter 50 sujets complètement différents dans la même journée.

Car on est responsable de tout, quand on entreprend. Je me le répète sans arrêt : « à la fin, tout est de ma faute ». C’est ce que certains appellent la solitude du chef d’entreprise. Mais c’est aussi sa liberté : être responsable, c’est très libérateur. Tant que tu es en mode « ce n’est pas moi, ce n’est pas ma faute », en accusant la malchance, la conjoncture, le concurrent, tes salariés, tes clients… Tu acceptes de ne rien pouvoir y faire.

Quand tu acceptes pleinement toute ta responsabilité, tu prends le contrôle sur les choses. Il faut une bonne dose de recul pour y parvenir. Les premiers temps cela peut être terrifiant d’avoir la responsabilité d’autant de choses. Pour la plupart des gens, habitués au salariat, ce n’est pas naturel. Pour entreprendre, il faut donc être prêt à sortir de sa zone de confort. Tous les jours, plusieurs fois par jour. Il n’y a pas de bouton OFF quand tu entreprends. Tu y penses en permanence.


Pour retrouver Nicolas, vous pouvez aller sur son site web ou son site marchand.


Que retenir de l’expérience de Nicolas ?

  • Quand on est passionné, on n’a plus l’impression de travailler. 
  • Savoir sortir de sa zone de confort est essentiel lorsqu’on se lance dans l’entrepreneuriat.
  • Entreprendre, c’est avoir une certaine liberté mais aussi des responsabilités qui n’existent pas dans le salariat classique.
  • Il est indispensable de faire des coupures et de savoir se ressourcer même s’il n’y a pas de bouton OFF dans l’entrepreneuriat.

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